/!\ Attention : ce texte contient d’importants spoils sur l’histoire de Pokémon Origins, et devrait être lu uniquement après avoir fini les 5 Chapitres disponibles dans le fan game.
Épisode 1 : Loyauté
Adossé au mur de sa cabane en bois, Vulcain se tenait face à l’océan tandis qu’il finissait d’ajuster le bandage sur son bras droit. Il avait eu toutes les difficultés du monde à l’ajuster correctement avec une seule main. Le soleil était presque entièrement couché et les vagues allaient bientôt passer de leur teinte rosée au noir profond de la nuit.
L’opération achevée, Vulcain s’affala lourdement au sol et reprit son souffle en contemplant les derniers scintillements du soir. Il se perdit sans doute trop longtempsa dans ses rêveries, car il ne s’aperçut pas tout de suite qu’un homme se tenait debout à ses côtés. Vulcain finit par reprendre ses esprits et remarqua la longue cape rouge qui flottait près de lui. Il soupira bruyamment avant de saluer le visiteur :
— Mon Capitaine…
L’homme garda les yeux rivés sur l’océan, et lui répondit après quelques instants :
— Que me vaut tant de formalité ?
— Ben quoi ? Tu voulais peut-être que je te dise “Quoi de neuf, Fumos ? Bienvenue dans ma planque, fais comme chez toi ! Je te sers un café ?”.
— Voilà le Vulcain que je connais… souffla le visiteur en souriant.
Les deux hommes restèrent silencieux pendant de longues minutes. Vulcain gratta bruyamment sa barbe grisonnante. Il sentait qu’il avait besoin de se justifier :
— Je voulais pas que tu me voies comme ça, c’est tout.
— Je sais que tu viens sur ce rocher perdu lorsque tu veux être seul, tu ne pensais tout de même pas que je l’ignorais ?
— Bien sûr que non… grogna Vulcain, mais je vois pas pourquoi tu te donnes la peine de te traîner jusqu’ici. Tu viens me passer un savon ? Me dire que t’aurais fait bien mieux que moi ?
— Vulcain… mon ami… tu es mon plus fidèle Lieutenant, jamais je ne remettrais en doute tes compétences. La bataille d’aujourd’hui a été rude, la Confrérie de la Terre a déployé un effectif sans précédent, et nous aurions perdu bien plus de terrain si tu n’avais pas été là pour mener ton unité avec brio. À présent, leurs forces sont aussi réduites que les nôtres et leur progression a cessé. Nos renforts seront rapidement déployés et nous aurons bientôt repris ce qui nous appartient.
— Ouais… tant mieux… commenta Vulcain avec indifférence en se grattant la tête dans une suite de gestes frénétiques.
— La première raison de ma présence, c’est que je m’inquiétais pour toi, Vulcain. Ta blessure semblait sérieuse, et tu as tout fait pour la cacher à tes hommes.
— Rien ne t’échappe… Mais je me suis rafistolé, fin de l’histoire.
Le Capitaine fixa son Lieutenant quelques instants. Le vieil homme était en sueur, et semblait épuisé.
— Dis-moi, reprit le visiteur, tu n’as jamais pensé à te retirer ? Tu approches de la soixantaine, tu devrais peut-être prendre une retraite bien méritée.
Vulcain souffla bruyamment et tenta de se relever, mais la fatigue le contraignit à se rasseoir aussitôt. Il reprit son souffle et répondit avec détachement :
— Ne dis pas de sottises… Les types comme moi, ça prend jamais de retraite. Ça se bat jusqu’au bout pour leur cause, et ça meurt au combat.
— Je comprends… répondit le Capitaine en hochant la tête. Je savais que tu me répondrais ainsi… et cela nous amène à la raison principale de ma visite.
— Crache le morceau, Fumos.
— J’aimerais te confier une nouvelle fonction, un rôle crucial dans une mission d’importance majeure.
— Rien que ça… marmonna Vulcain en haussant la seule épaule qu’il pouvait bouger.
Le Capitaine prit alors un air grave et exposa la situation à son subordonné :
— Écoute-moi bien, mon vieil ami. Les temps changent, et nos têtes pensantes sont persuadées que notre conflit avec les autres Confréries pourrait prendre une nouvelle dimension dans un futur proche. Il semble que la Confrérie de l’Eau ait des vues sur la capitale de l’île principale d’Elenos. L’heure viendra bientôt pour nous d’accomplir les prophéties ancestrales et de retourner sur le territoire qui nous revient de droit.
— Alors on y est, hein… ?
— Pas tout à fait, mais il faut nous y préparer. Et qui dit nouveau champ de bataille dit nouvelles règles.
Vulcain fronça les sourcils quelques instants tout en continuant de gratter son épaisse barbe, puis il répliqua :
— Qu’est-ce que tu me chantes là ?
— Nous sommes en train de mettre en place plusieurs programmes visant à former une nouvelle catégorie de guerriers : les fidèles d’élite. Ces derniers auront une large variété de compétences et se verront confier des missions de la plus haute importance, bien souvent confidentielles.
— Alors on veut jouer à ça, hum…
— J’aimerais que tu prennes part à l’un des projets pionniers dans ce domaine, une expérimentation qui pourrait en amener beaucoup d’autres.
— Quoi ? Tu veux que je forme des fidèles ? Très peu pour moi. J’ai déjà refusé de devenir instructeur.
— Laisse-moi le temps de t’expliquer de quoi il retourne. Comme tu le sais, la plupart de nos fidèles sont formés à partir de l’âge de 10 ans, au sein de notre Quartier Général. Mais l’objectif est ici bien différent. Ces derniers mois, nous avons fait passer toutes sortes de tests à des enfants en bas âge nés de nos fidèles ou officiers. Nous avons absolument tout évalué, de leur santé à leurs aptitudes physiques, en passant par leurs réflexes, leurs compétences psychomotrices, et les accomplissements de leurs géniteurs.
— Bon sang… répondit Vulcain avec une profonde perplexité, on dirait que vous faites de l’élevage d’Écrémeuh, maintenant…
— C’est tout à fait sérieux, Vulcain. Ces tests nous ont permis d’identifier trois candidats idéaux pour ce projet pionnier : deux garçons et une fille, âgés respectivement de 2, 3 et 4 ans. Ils seront les trois lueurs qui flamboieront bientôt au sein de notre Confrérie, c’est pourquoi nous avons nommé ce projet : le projet “bougies”.
Vulcain resta incrédule devant son Capitaine, avant de lui répondre avec une voix plus rocailleuse que jamais :
— Attends un peu… Tu veux que j’élève des morveux qui sont à peine en âge de parler ? Tu te fous de moi ?
— C’est on ne peut plus sérieux, Vulcain. Je pense que tu es l’élément idéal pour leur servir d’instructeur, tu as toujours été aussi loyal qu’inflexible.
— Ma parole, t’as perdu la tête…
— Ce que je te demande est d’une importance capitale pour notre Confrérie. On mise beaucoup sur ce projet en haut lieu, et on m’a confié la responsabilité de le superviser.
À ces mots, Vulcain fusilla son supérieur du regard avant de répondre :
— Ah… c’est ça. Tu penses à ta carrière, hein ? Depuis que notre Général a succédé à notre défunt Chef, personne n’a hérité du grade de Général. Alors toi et l’autre Capitaine… vous êtes obsédés par sa succession.
Fumos resta impassible et continua ses explications :
— Permets-moi de finir de t’exposer les conditions du projet. Il est prévu que tu élèves ces enfants seul, dans un isolement complet, sur une île déserte, et ce pendant au moins 10 ans.
Vulcain baissa la tête quelques instants avant de la relever en se raclant bruyamment la gorge et de marmonner :
— Franchement… tu sais vendre ton projet. T’as pas trouvé d’autre Poichigeon pour ton exil, là ?
Le Capitaine soupira d’exaspération, et reprit sa tirade avec conviction :
— Vulcain… Tu es celui à qui je fais le plus confiance, et celui que je juge le plus apte à accomplir cette tâche que je sais difficile.
Il marqua une pause, puis il fixa son subordonné droit dans les yeux et continua :
— Je sais à quel point tu apprécies de te ressourcer dans la solitude, comme sur cet îlot perdu. Il faudra une patience et une conviction à toute épreuve pour mener ce projet à bien, mais je t’en sais capable. Le but est d’élever ces enfants dans la plus grande rigueur, de leur apprendre à survivre et à se battre, d’abord par eux-mêmes, puis en utilisant des Pokémons. Enfin, il sera également capital de leur inculquer notre doctrine pour les éveiller le plus tôt possible à la vérité et à la justice que nous défendons. Nous sommes convaincus que soumettre des enfants à de telles conditions de vie sous ta supervision pourrait donner naissance à des guerriers d’une puissance et d’une loyauté sans commune mesure.
Vulcain resta silencieux, assommé par les explications successives de son supérieur. Il finit par se reprendre et commenta avec amertume :
— Alors c’est comme ça qu’on se débarrasse de ce vieux débris de Vulcain, hein ? T’aurais pu trouver mieux, Fumos…
— Sois plutôt honoré de te voir confier cette tâche, et n’oublie pas que tu n’as aucun moyen de me refuser cette requête. Tu ne voudrais pas que notre petit secret s’ébruite malencontreusement.
Le visage de Vulcain se déforma sous l’effet de la colère, il voulut se lever mais grogna de douleur et s’affala au sol.
— Gnnn… T’es vraiment une sale enflure… C’est comme ça que t’es arrivé jusqu’ici…
Le Capitaine adressa un léger sourire à Vulcain et répondit :
— C’est moi qui ai sauvé ta place de Lieutenant, et même qui t’ai sauvé la vie, tout simplement.
Vulcain refusa de regarder le visiteur dans les yeux. Il s’empressa de mettre fin à la conversation :
— Peuh… J’imagine que y a pire que des vacances sur une île pour finir ses jours.
L’homme en rouge hocha la tête d’un air satisfait et conclut :
— Tu as rendez-vous au Quartier Général dans une semaine, tu recevras toutes les informations et instructions nécessaires. Nous t’attendrons.
Vulcain resta silencieux tandis que son supérieur se mit en route d’un pas lent vers la mer. Reprenant ses esprits, le vieil homme blessé et fatigué l’interrompit :
— Je demande une seule chose. Aucun espion, aucune intervention extérieure sur cette île. Je sais que vous êtes en train de devenir des pros dans le domaine, mais je déteste ces méthodes. Vous me donnez les rênes du projet, alors vous me laissez faire mon boulot.
Tournant désormais le dos à son subordonné, le Capitaine rétorqua :
— Bien sûr, Vulcain. Jamais je ne pourrais douter de ta loyauté.
Fumos s’approcha doucement d’un immense Dracaufeu harnaché qui l’attendait patiemment pour repartir. La flamme du Pokémon faisait danser la silhouette de son dresseur dans l’obscurité grandissante. Vulcain interpella de nouveau son supérieur juste avant qu’il n’attrape les rênes de sa monture :
— Une dernière chose : ils s’appellent comment, les gamins ?
L’homme en rouge ferma les yeux d’un air satisfait et répondit :
— Eric, Cyrio et Kira.
Vulcain gratta doucement sa barbe en fixant l’océan qui était désormais entièrement plongé dans les ténèbres.
— J’m’en souviendrai.
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