/!\ Attention : ce texte contient d’importants spoils sur l’histoire de Pokémon Origins, et devrait être lu uniquement après avoir fini les 5 Chapitres disponibles dans le fan game.

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Épisode 1 : Destinée

Durant ma longue existence, j’ai commis des erreurs.

De trop nombreuses erreurs.

Peut-être aurais-je dû consigner mes mémoires dans un journal, pour coucher mes souvenirs et mes émotions sur le papier. Peut-être cela m’aurait-il permis d’y voir plus clair. Mais j’étais obsédé par la prudence, il fallait garder mes secrets au seul endroit où personne ne viendrait les chercher : au fond de mon cerveau fatigué par les années.
À présent, je n’aurai plus le loisir d’écrire quoi que ce soit. Je suis enchaîné dans la cale d’un navire de la Confrérie de la Terre. Marcus, mon plus fidèle allié, a été capturé avec moire et j’ignore ce qu’ils ont fait de lui… Cyrio n’a aucune idée de ce qui vient de se passer, et il n’aurait aucun moyen de nous retrouver… Je ne peux que me remémorer mon long parcours, et réfléchir à ce qui m’a mené jusqu’ici.

Mes premiers souvenirs sont dans la forêt d’ébène, cet endroit que j’ai toujours considéré comme mon berceau, ma terre natale. Je connaissais chaque arbre, chaque buisson, chaque Pokémon. Je vivais paisiblement avec mes parents dans une hutte en bois, et nous ne sortions de la forêt que pour admirer la mer depuis le Cap Sérénité auquel nous pouvions facilement accéder de chez nous.
Tout comme moi, mes parents semblaient dotés de pouvoirs que le commun des mortels aurait qualifiés de « surnaturels ». Ils étaient capables d’écarter des lianes et des branches sans même les toucher, et j’avais réalisé qu’ils communiquaient régulièrement par la pensée. Pour moi, tout ceci était naturel, c’était ce que j’avais toujours connu.
J’avais pourtant l’impression que quelque chose dans notre vie ne comblait pas mes parents. Ils semblaient insatisfaits, peut-être même inquiets. Je n’ignorais pas ce qui se trouvait au-delà de la forêt, mes parents m’avaient enseigné avec soin de nombreux détails au sujet de notre monde, de la région d’Elenos, et des 4 Confréries qui vivaient à l’écart. Je m’étais souvent demandé comment ils étaient devenus aussi érudits, mais j’avais fini par me convaincre que ce n’était pas une question si importante.
Connaître tout ceci me suffisait, et je n’avais jamais ressenti le besoin d’aller voir par moi-même. Je chérissais la vie simple que nous menions au contact de la nature. Suivant leurs recommandations, je m’appliquais à rester à l’écart de tous les visiteurs qui pénétraient dans la forêt pour garder notre existence secrète. Les quelques pouvoirs que je commençais à développer me rendaient la tâche bien plus facile.

Un jour pourtant, mon bonheur simple fut mis en péril. Je devais avoir une dizaine d’années lorsqu’un soir, je trouvai notre hutte vide en rentrant d’une promenade en forêt. Je ne m’étais au départ pas inquiété de l’absence de mes parents, ils avaient l’habitude de me laisser seul et j’étais persuadé qu’ils ne tarderaient pas. Mais la nuit passa dans le silence et la solitude, puis un jour, puis deux… Je ne devais plus jamais les revoir.
Jamais je ne sus ce qui leur était arrivé, mais je pense aujourd’hui qu’ils ont dû être rattrapés par notre passé, et qu’ils ont fui loin de notre forêt pour semer leurs poursuivants et me protéger.
Toujours est-il qu’à partir de ce jour, je vécus seul. Heureusement, je ne me sentais pas abandonné au milieu de cette végétation et de toute cette vie qui m’entourait depuis mon plus jeune âge. Je communiquais régulièrement avec de nombreux Pokémon qui m’apportaient en retour eau et nourriture avec une bienveillance remarquable.
Un jour, alors que je cueillais des champignons, j’aperçus un jeune garçon qui était entré dans la forêt avec le même objectif que moi. Il portait un panier rempli de champignons, mais il regardait autour de lui avec anxiété. Il semblait perdu. Pendant un instant, je repensai à l’interdit formulé par mes parents, mais depuis qu’ils avaient quitté ma vie, j’avais senti la rigidité de cet impératif s’éroder. Je décidai donc de venir en aide à ce jeune homme et je sortis de ma cachette pour le mener vers la sortie de la forêt. À ma grande surprise, il était extrêmement sympathique. Il me demanda d’où je venais, et je lui dis simplement que je vivais seul dans la forêt depuis toujours. Au lieu de mépriser mon mode de vie différent du sien, il se montra admiratif. Avant de nous séparer, il me confia qu’il s’appelait Marcus, et il me demanda s’il pouvait revenir jouer avec moi dans la forêt à l’avenir.
Ce fut le début d’une longue amitié.

Les années passèrent dans la joie et l’allégresse, les journées étaient ponctuées de promenades, de siestes et de sourires. Aurais-je pu rêver d’une meilleure existence ? L’oisiveté ne me comblait cependant pas pleinement, et je cherchais chaque jour à en apprendre plus sur les Pokémon qui m’entouraient. Ces créatures étaient une source d’émerveillement sans cesse renouvelée. Je voyais toujours régulièrement mon ami Marcus qui partageait cette passion, et qui menait de son côté une existence si différente de la mienne. Pourtant, aucun de nous ne s’inquiétait des différences de l’autre, ni ne le jugeait, ni ne l’enviait.
Je devais avoir presque 30 ans lorsque je fis à mon ami une suggestion audacieuse : fabriquer un appareil électronique qui pourrait accumuler toutes sortes d’informations sur les Pokémon et servir d’encyclopédie. Même si je me tenais à l’écart du modernisme, j’avais senti qu’un tel projet pourrait être une grande source de motivation pour mon ami assoiffé de savoir, et un moyen de promouvoir la connaissance des Pokémons.
Il s’attela donc à fabriquer cet appareil, accompagné de quelques scientifiques venus de toute la région. Lorsqu’il acheva enfin son « Pokédex », je fus stupéfait de la sophistication de cet appareil qui dépassait tout ce que j’avais pu imaginer.

Les années passaient, et Marcus était de plus en plus occupé par ses responsabilités croissantes dans la ville de Rocambur. Il devait également s’occuper de ses parents vieillissants, et nous nous voyions de moins en moins. Je ne m’en inquiétais pas, c’était pour moi un déroulement naturel des choses, comme si la rivière du temps suivait son cours normal.
Mais il y a 32 ans, je fis une rencontre qui allait marquer un tournant dans mon existence. Un soir, alors que j’observais la mer depuis le Cap Sérénité, je ressentis soudainement une présence. En me retournant, je vis qu’un homme vêtu d’une longue robe jaune se tenait derrière moi. Comment avait-il pu trouver l’accès menant à cet endroit alors que je le dissimulais à l’aide de mes pouvoirs ? L’intrus semblait un peu plus âgé que moi, il devait avoir une soixantaine d’années. Il me fixait silencieusement, mais je sentais que son regard transperçait mon esprit, comme s’il pouvait lire dans mes pensées. Je n’avais plus ressenti cela en face de quelqu’un depuis la disparition de mes parents. L’homme en jaune m’adressa un grand sourire et me lança d’une voix chaleureuse :
— Gensîl, je suis si heureux de vous avoir enfin trouvé.
Comment connaissait-il mon nom ? Le simple fait de connaître mon existence était inexplicable, mais cela dépassait tout… Je tentai de garder mon calme et d’essayer à mon tour de déchiffrer les pensées de l’homme qui me faisait face, mais je ne ressentais presque rien. Je n’avais même pas détecté sa présence avant qu’il ne soit à 5 mètres de moi.
— Vous avez bien développé vos facultés, continua-t-il, c’est une excellente chose. Mais il vous reste encore beaucoup à apprendre sur les pouvoirs des Sages.
Les Sages ? De quoi voulait-il parler ? Au fond de moi, j’avais l’intime conviction que tout cela était lié aux 4 Confréries, mais jamais mes parents ne m’avaient parlé de ce détail.
— Qui êtes-vous ? répondis-je avec méfiance. Vous appartenez à une Confrérie ?
L’homme continua de me dévisager avec attention avant de répondre :
— Il semble que vous ayez reçu une partie des enseignements fondamentaux. C’est un début. Mais vous ignorez encore beaucoup. Je vous demande de me suivre. Vous avez besoin de compléter votre éducation avant de pouvoir remplir votre rôle.
Moi qui étais toujours calme et serein, je ressentis un mélange d’inquiétude et de confusion.
— Mon rôle ? De quoi voulez-vous parler ? J’ai toujours vécu dans cette forêt, ma place n’est nulle part ailleurs.
— Ne jouez pas la carte de la naïveté, Gensîl. Vous savez que vous venez d’ailleurs. Peut-être vos géniteurs vous ont-ils gardé dans l’ignorance, mais vous savez que vous êtes différent. Votre pouvoir implique de grandes responsabilités.
Mon interlocuteur balaya l’horizon du regard et poussa un profond soupir.
— Je vais être bref, Gensîl. Vous êtes issu de la lignée des Sages, et votre place est au sein de la Confrérie de la Terre. Votre rôle est fondamental afin de la guider.
Il baissa ensuite les yeux et prit un air sombre.
— La situation est précaire. L’équilibre entre les Confréries est proche du point de rupture. Les Sages seront indispensables pour traverser les temps troublés qui s’annoncent.
Je sentais chacun de ses mots s’abattre sur moi, comme s’ils avaient un poids incommensurable. Je ne pouvais pas faire entièrement confiance à cet inconnu, mais au fond de moi, c’est comme si je savais qu’il disait la vérité. C’était une sensation indescriptible, comme si je sentais que tout s’emboîtait parfaitement.
Voyant que je restais sans réaction, l’homme en jaune se retourna vers la forêt.
— Je vous laisse un temps de réflexion, mon cher Gensîl. Mais ne tardez point. Nous sommes au bord du gouffre.
Il s’enfonça alors dans la végétation et disparut en quelques instants. Me laissant seul face à la réalité à laquelle j’avais toujours tenté d’échapper.

Cette visite me plongea dans le doute durant trois longues semaines. Je ne parvenais plus à savourer la quiétude de cette existence à laquelle je n’étais pas destiné. Qu’était-ce donc qu’un « Sage » ? Et quel était ce rôle que je devais remplir ? L’avenir de cette forêt, et de tout Elenos dépendrait-il de ma décision ? On dit que les paroles s’envolent, mais les paroles de cet homme avaient imprégné mon esprit, et ne me laissaient plus en paix.
Mais après une vingtaine de jours de réflexion, tout s’effondra soudainement. Un matin, je ressentis brusquement un déchirement se produire à l’intérieur de moi. Ce n’était pas lié aux doutes qui me hantaient, c’était une force qui venait de l’extérieur, de la nature… Je ressentais cette rupture dans toute la forêt qui m’entourait. Le conflit des 4 Confréries venait de se déchaîner brutalement, et je l’avais aussitôt ressenti avec une violence inouïe. La catastrophe annoncée par cet homme en jaune venait de se produire, j’en étais convaincu.
Lorsque Marcus vint me rendre visite, je m’efforçai de surmonter ma confusion pour l’informer de la situation, mélangeant des tirades sur l’énergie de la nature, les Confréries et l’équilibre entre les éléments. Je parvins à garder assez de lucidité pour simplement l’avertir de ce conflit sans évoquer ma rencontre récente. J’imagine aujourd’hui à quel point il a dû être désorienté par ces révélations.
Tout autour de nous, les Pokémons s’agitaient. Les Hoot-hoots hululaient en plein jour, les Mimigals tissaient des toiles à n’en plus finir, et je vis nombre de Pokémons volants et aquatiques entreprendre des migrations totalement inhabituelles pour la saison.
Marcus ne savait pas comment réagir, et il me conseilla simplement de prendre un peu de repos en attendant que les choses se calment. Mais les choses ne faisaient qu’empirer d’heure en heure, j’étais écrasé par une panique et une angoisse incontrôlables, comme si une voix hurlait dans ma tête sans jamais vouloir se taire.

Une semaine passa, et rien ne se calma. Au contraire, la situation ne faisait qu’empirer, dans mon esprit et dans toute la forêt. Cela ne pouvait plus durer. Je savais pertinemment que j’avais une part de responsabilité dans ce qui était en train de se produire. Je ne pouvais plus fuir mon devoir. Je devais partir et rejoindre cet homme. J’étais convaincu que c’était la seule issue possible, que je devais suivre le fil du destin.
Lorsque Marcus revint me rendre visite, je décidai de lui mentir afin de ne pas l’inquiéter. Je n’avais encore jamais menti, mais je sentis que c’était nécessaire pour le protéger. Je lui racontai que j’avais besoin de m’isoler dans les Montagnes du Nord pour méditer et trouver une solution à ce bouleversement qui déchirait la nature.
Mon ami tenta de m’en dissuader, mais il finit bien vite par accepter que ma décision était irrévocable, et que c’était le mieux à faire si je ne voulais pas devenir fou. Je devais partir. Nous nous séparâmes le cœur lourd, mais je lui promis que l’on se reverrait un jour.
Ce soir-là, je passai la dernière nuit de mon existence dans la forêt d’ébène. J’étais déjà prêt à partir car je n’avais absolument rien à emporter, en dehors de mes doutes, mais je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait…

Le lendemain matin, je sortis de ma hutte après une nouvelle nuit cauchemardesque lorsque j’aperçus l’homme en jaune qui se tenait devant moi. J’étais persuadé que je n’aurais pas à le chercher et qu’il viendrait à moi.
— Bonjour, Gensîl. J’imagine que vous avez ressenti ce qui s’est passé, et je suis certain que la violence du choc a fini de vous convaincre.
Je me contentai de hocher gravement la tête. Il continua :
— Après des années de tensions insolubles, les 4 Confréries ont fini par se déclarer une guerre totale. Il nous appartient maintenant à nous, les Sages, de rétablir l’équilibre.
Il me fit un signe de tête pour m’indiquer l’orée de la forêt et se mit en marche.
— Suivez-moi. Nous n’avons pas de temps à perdre.

C’est ainsi que je quittai la forêt d’ébène, ma maison, l’endroit où j’avais passé la majeure partie de mon existence. Je n’allais plus jamais la revoir.
L’homme en jaune m’accueillit à bord d’une petite embarcation amarrée à proximité du Cap Sérénité, et il prit la barre sans dire un mot. Le silence se fit pesant pendant une longue partie de la traversée, avant que je me décide enfin à lui demander plus d’explications.
— Vous en savez déjà beaucoup sur les Confréries, commença-t-il, mais je vous dois en effet quelques clarifications. Voyez-vous, chaque Confrérie abrite une lignée de Sages, des hommes particulièrement clairvoyants, dotés de pouvoirs dépassant la compréhension humaine, et dont le rôle est d’assister les Chefs des Confréries afin de garantir l’harmonie entre les éléments.
— Vous avez mentionné que j’appartenais à la Confrérie de la Terre, répondis-je. Qu’en savez-vous ? Est-ce votre cas ?
— Quel malotru je fais, je me préoccupais tellement de vous que j’ai oublié de me présenter. Mon habit jaune devrait pourtant être un message limpide : je suis le Sage de la Confrérie du Vent.
Tout s’éclairait soudainement, voilà donc pourquoi cet homme semblait maîtriser des pouvoirs similaires aux miens, et à ceux de mes parents.
— C’est une bien triste histoire, continua-t-il. Vous appartenez à la branche principale de la lignée des Sages, vous étiez donc l’héritier direct de cette fonction. Mais vos parents semblaient avoir quelque désaccord avec le reste de la lignée, ils ont pris la décision radicale et irresponsable de vous enlever et de vous condamner à une existence médiocre et ignorante.
— Ils m’ont tout de même appris les fondements du savoir concernant les 4 Confréries, rétorquai-je, mais j’ignorais que j’en faisais partie.
Peut-être mes parents m’avaient-ils appris cela en pensant que cela m’aurait servir un jour… Ils n’étaient plus là pour que je leur pose la question.
— Quoi qu’il en soit, reprit le Sage, nos efforts ont finalement permis de vous retrouver. C’est un signe du destin qui tombe à point nommé. En plus du tumulte actuel, votre prédécesseur, issu d’une branche secondaire de la lignée, vient de quitter ce monde. Il est donc urgent de vous préparer à tenir ce rôle.
J’étais conscient que j’allais au-devant du danger. Mais j’étais déterminé à tout faire pour résoudre cette fracture qui avait si violemment déchiré la nature depuis peu.
— En quoi consiste le rôle de Sage ? demandai-je. Et comment puis-je œuvrer à rétablir l’harmonie et mettre fin à ce conflit ?
— N’ayez crainte, mon bon Gensîl, on vous dispensera tous les enseignements nécessaires là où nous allons. Il vous faudra prendre le temps de vous former à cette fonction, mais vous serez bientôt prêt à rejoindre le Conseil des Sages afin de venir en aide à vos trois homologues.
Pourquoi mes parents avaient-ils voulu fuir ces responsabilités ? Étaient-ils guidés par le désir égoïste de mener une vie simple et paisible ? Moi-même, c’était ma seule préoccupation jusqu’à récemment… Mais cette fuite était peut-être l’une des causes de la catastrophe qui venait de frapper. Il n’était plus question de regarder ailleurs et de nier l’évidence.
À cet instant, il y a 32 ans, j’étais convaincu qu’il n’y avait pas d’autre issue, je devais suivre ma destinée…

Catégories : Fanfiction

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