/!\ Attention : ce texte contient d’importants spoils sur l’histoire de Pokémon Origins, et devrait être lu uniquement après avoir fini les 5 Chapitres disponibles dans le fan game.

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Épisode 3 : L’envoyé

Qui sait depuis combien de temps j’ai été placé en détention par la Confrérie de la Terre ? J’ai eu tout le loisir de passer mon existence en revue plusieurs fois, mais je n’ai guère trouvé de réponses. Ai-je des regrets ? Certainement. Le monde n’a cessé de mettre à l’épreuve mon sens moral au fil des ans, mais j’ai toujours agi en suivant ce que je pensais être juste. Si cela doit me mener à ma fin aujourd’hui, qu’il en soit ainsi.

C’est alors qu’un lourd claquement métallique interrompt ma réflexion. Un homme portant une longue robe jaune entre dans mon cachot d’un pas lent et grave. Enfin, l’un de mes anciens confrères ose se montrer devant moi. Je n’avais pas vu le Sage du Vent depuis plus de 10 ans, et son visage porte la marque du temps, mais il semble toujours dégager une grande puissance spirituelle.
— Mon bon Gensîl, commence-t-il, j’aurais aimé vous revoir dans d’autres circonstances.
Il me regarde fixement pendant quelques instants qui semblent s’étirer jusqu’à devenir une éternité, puis il reprend :
— Vous avez grandement développé vos pouvoirs. Je suis à présent incapable de déceler la moindre de vos pensées. C’est pour cela que je n’ai guère d’autre choix que de vous interroger.
Pendant toutes ces années passées dans la Caverne de la Destinée, j’ai souvent réfléchi à ce que je dirais aux autres Sages si je devais un jour leur refaire face. Il n’y a aucune haine en moi, je sais que cela ne me mènera nulle part. Mais je sais aussi qu’il est vain d’espérer les raisonner. Quant à eux, ils perdent également leur temps s’ils espèrent obtenir quoi que ce soit de moi.
Le Sage du Vent se gratte lentement la barbe et déclare avec un ton faussement attristé :
— Quel déshonneur pour un descendant de la lignée des Sages d’être mis aux fers. Malheureusement, c’est là la juste conséquence de vos actes. Vous avez lâchement abandonné vos confrères aux moments où ils avaient le plus besoin de vous. Nous vous avons fait confiance, nous vous avons exposé la raison d’être de notre Conseil, et malgré tout, vous nous avez trahis.
— J’ai compris que nos aspirations étaient irréconciliables, réponds-je. Votre idéal de paix et d’harmonie est bien différent du mien. Vous ne rêvez que d’un paradis perdu, purgé de toute présence humaine. Comme si chaque humain qui venait au monde n’était qu’une injure supplémentaire à cet équilibre des éléments que vous fantasmez. Je ne peux pas croire que le Conseil des Sages a été fondé pour précipiter les Confréries vers leur destruction.
— Les temps changent, mon bon Gensîl, tout comme les idéaux. Nos prédécesseurs ont longtemps essayé d’apporter la paix par le dialogue et le compromis, et regardez où cela nous a menés. Je ne peux pas croire que vous soyez assez naïf pour espérer une autre issue. Elenos ne trouvera son salut que si nous réunissons les 4 Orbes et ressuscitons le Temples des Origines.
— Lorsque j’ai réalisé que vous envisagiez d’utiliser ce pouvoir pour précipiter tout ce qui vit dans l’anéantissement, j’ai compris que nos points de vue étaient inconciliables. Les Confréries, les habitants innocents, les Pokémons… peu vous importe de détruire toutes ces existences.
— La vie est une force d’une grandeur infinie, elle saura renaître plus vigoureuse et plus pure que jamais sur les cendres de cet échec.
— Cette obsession de la pureté vous a aveuglés, vous ne rêvez que d’une page blanche sur laquelle vous aurez tout le loisir d’écrire l’histoire.
— Allons, allons, mon bon Gensîl, ne nous prêtez pas des intentions aussi égoïstes. Nous savons que nous empruntons une voie qui mènera à de lourds sacrifices, mais comme je vous l’ai dit à de nombreuses reprises, il faut apprendre à voir plus loin que le bout de votre nez.

Comme je le pensais, notre discussion ne mène à rien. Inutile que je m’entête à débattre davantage. Je me contente donc de répondre à mon ancien confrère avec un regard empreint de pitié. J’ai sincèrement pitié pour ces trois Sages guidés par des rêves d’un monde baignant dans une harmonie éternelle. Leur esprit a été façonné par ces mythes antiques dès le plus jeune âge, et ils ne sauraient plus voir d’autre réalité. C’est peut-être parce que j’ai grandi dans la nature, dans le monde réel, loin des bibliothèques confortables et des salles de banquet, que je réalise la véritable valeur de toute vie..
Le Sage du Vent constate mon silence et secoue doucement la tête, comme pour me montrer son mépris en retour. Il reprend :
— Mais venons-en à la raison de ma visite. Il y a environ dix ans, vous avez décidé de fuir vos responsabilités et de disparaître. Lorsque vous avez dû prendre des décisions importantes pour mener la Confrérie de la Terre sur la voie que nous avions établie, vous vous êtes finalement défilé. Il nous a fallu du temps pour vous retrouver, mais nous savons maintenant que vous vous êtes isolé dans les Montagnes du Nord.
C’est alors que j’aperçois un sourire crispé se dessinant sur son visage, fait rare.
— Et qu’avez-vous fait pendant tout ce temps ? me lance-t-il. Méditer. Rien d’autre que méditer, semblerait-il. Au fond de vous, vous saviez déjà que vous ne pouviez rien faire pour infléchir le cours de la destinée qui était en marche.

Je méditais, c’est vrai. J’avais décidé d’abandonner ce rôle de Sage que l’on m’avait confié et que je pensais de la plus haute importance. J’avais décidé de chercher ma propre voie vers la paix et l’harmonie. Mais cette voie existait-elle dans ce monde au bord du chaos ? C’est ce que j’essayais de déterminer.
Le Sage du Vent continue de me regarder fixement, essayant de capter le moindre signe, le moindre mouvement qui révèlerait mes intentions, mais c’est peine perdue. Il reprend donc avec encore plus de gravité :
— Mais plus récemment, il semblerait que vous ayez décidé de passer à l’action. Ou du moins, vous avez poussé quelqu’un à agir en votre nom. Un « envoyé ».

Cyrio… Depuis que j’ai croisé sa route, l’espoir a commencé à renaître en moi. Il m’a laissé entrevoir une force indomptable, une soif de liberté sans limite… Moi qui me murais dans la passivité, attendant de trouver une réponse miraculeuse, j’ai fini par me résoudre à croire qu’il fallait se battre pour infléchir le cours des choses.
— Ce jeune homme est absolument fascinant, continue le Sage du Vent. J’ai essayé de lire en lui lorsque je l’ai rencontré, et je ne suis guère parvenu à percer ses secrets. J’ai cependant décelé une immense force de caractère. Mais qui est-il réellement ?
— Inutile de perdre votre temps, réponds-je. Je serais bien incapable de m’opposer à vos ambitions, mais Cyrio mènera Elenos vers un renouveau très différent de celui dont vous rêvez.
— Hum… Voyez-vous cela ? Il semble cependant que vous vous soyez bien gardé de l’informer de votre identité, mon bon Gensîl. À mes yeux, ce jeune garçon a tout l’air d’un pantin que vous manipulez à votre guise. Quels ordres lui avez-vous donnés ? Et que compte-t-il faire, à présent ?

Je décide de ne pas répondre davantage. Inutile d’alimenter cette conversation stérile. Mon ancien confrère me fixe longuement, attendant un signe de ma part, puis il déclare finalement :
— Je vous ai laissé une dernière chance de vous repentir, mais je n’avais que peu d’espoirs que vous compreniez la situation. Enfin, peu importe, nous avons coupé la tête du monstre, vous n’aurez plus l’occasion d’influencer ce jeune homme.

Le Sage du Vent se tourne vers la sortie de mon cachot et fait quelques pas lents tout en se grattant la barbe. Il se retourne finalement et me lance :
— Vous êtes déterminé à trouver votre fin ici-même, mais qu’en est-il de votre précieux ami, Marcus ? A-t-il accepté de se sacrifier au nom de votre cause ? Vous qui placez les vies humaines au-dessus de tout, cela ne vous ressemble guère.

Marcus… Dès l’instant où la Confrérie de la Terre nous a capturés, j’ai su qu’ils l’utiliseraient pour faire pression sur moi. C’est regrettable… mais je ne peux pas abandonner Cyrio. Pas après tout ce chemin parcouru.
Le Sage du Vent ferme les yeux en soupirant et conclut :
— Votre silence est lourd de sens. Je doute que votre ami puisse trouver la paix après avoir été abandonné de la sorte, mais qu’il en soit ainsi…

Le Sage du Vent sort lentement de mon cachot et j’entends la porte se refermer avec un lourd claquement métallique qui sonne comme une condamnation.
Je m’en veux terriblement que Marcus se retrouve dans cette situation par ma faute… Mais je ne vois aucun moyen de lui venir en aide. Je ne peux plus que méditer et prier de toute mon âme pour que Cyrio retrouve notre trace avant qu’il ne soit trop tard. Mais comment le pourrait-il ?

Quelle faiblesse de ma part, quand j’y pense… Le puissant Sage que j’ai été a décidé de s’en remettre à un jeune homme amnésique pour empêcher la catastrophe qu’il n’a su juguler.
La première fois que je l’ai « rencontré », c’était par une sombre nuit d’orage, lorsque j’ai senti la présence de deux esprits fougueux dans la Vallée Azure. Il a vécu une tragédie, cette nuit-là, mais par un miracle du destin, un choc violent a conduit à son amnésie. Le lendemain, Gérard, un habitant de Rocambur qui avait perdu son foyer, l’a trouvé et l’a ramené au camp de réfugiés.
J’ai toujours soutenu à Cyrio comme à Marcus que j’ignorais ce qui s’était passé cette nuit-là. Mais j’ai en vérité pu percevoir une bonne partie de la scène. J’ai donc rapidement compris que Cyrio faisait partie d’une Confrérie, et qu’il était un élément particulièrement bien entraîné.
Mon hypothèse principale était qu’il faisait partie de la Confrérie du Feu. Si c’est bien le cas, il devrait porter la marque d’une flamme sur son omoplate gauche, mais peut-être est-elle passée inaperçue chez ses hôtes. Quoi qu’il en soit, lorsque je l’ai enfin rencontré en personne, j’ai pu constater à quel point son potentiel était immense.
Son esprit était vif et son cœur était pur, et pas seulement à cause de son amnésie, il semblait avoir la rigueur et la force de caractère d’un fidèle extrêmement entraîné, sans toutefois souffrir du conditionnement qui étreint leur esprit dès le plus jeune âge, ce que je ne m’expliquais pas.
Je n’ai donc pas souhaité plonger son esprit dans le doute en lui faisant part de mes hypothèses sur son passé, j’avais besoin de cette page blanche, prête à écrire une nouvelle histoire. Il avait soif de justice et de liberté, je crois que je n’aurais pas pu rêver meilleur allié.
Peut-être ma plus grande faute a-t-elle été de garder le silence sur de trop nombreux sujets. Je n’ai pas abordé la question du Conseil des Sages, pensant qu’il ferait mieux d’employer son énergie à contrecarrer les projets des Confréries dans l’immédiat. Je craignais également qu’il ne perde sa confiance aveugle en moi s’il comprenait pourquoi j’en savais autant.
Mais depuis, il a accompli de grandes choses, il a vaincu des officiers aguerris, libéré de nombreux villages et villes… tout en fédérant des alliés autour de lui. Il prend la route des sommets, et l’heure était venue pour moi de lui en révéler davantage… Mais j’ai été trop sot, ou trop lâche, attendant le bon moment jusqu’à ce que finalement mon passé me rattrape.

Si je dois trouver ma fin ici, je l’accepterai. Mon souhait le plus cher est que Cyrio continue sa marche et mène Elenos vers la paix, vers une harmonie bienveillante entre nature, humains et Pokémons.

Les mémoires de Gensîl
FIN

Catégories : Fanfiction

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