Épisode 3 : Le départ
Au milieu de la nouvelle salle que je découvris se trouvait Gensîl, accompagné d’un petit Pokémon, assis bien sagement devant lui et me regardant fixement. Il était recouvert d’une fourrure bleue avec quelques touches de noir, et ses yeux jaunes semblaient briller dans l’atmosphère surnaturelle de la caverne. C’était un Lixy. Je restai là, quelques secondes, à observer ce Pokémon qui ne me quittait pas du regard. Je n’osais plus bouger, de peur de briser la sérénité de ce moment.
C’est finalement Gensîl qui prit les devants.
— Je te présente Lixy, dit-il en fixant son protégé d’un air bienveillant. C’est un Pokémon de type Électrique. Il est très sociable et affectueux, mais parfois un peu trop téméraire. Il ne supporte pas que les gens souffrent autour de lui, alors il veut faire tout son possible pour mettre fin à la guerre des 4 Confréries.
Je me décidai à faire quelques pas dans la direction de Lixy. Il continua de me fixer tandis que je me penchai et que j’approchai ma main de sa petite tête touffue. Il ne broncha pas lorsque je commençai à le caresser doucement. La douce chaleur de ce petit corps me réchauffa la paume et apaisa les doutes qui étaient omniprésents jusqu’ici. Gensîl se réjouit de notre entente et ajouta :
— Lixy est ton premier Pokémon, il sera un précieux compagnon et t’accompagnera durant tout ton voyage. Il est prêt à se battre pour t’aider à atteindre tes objectifs, alors tu devras prendre bien soin de lui en toutes circonstances.
Je continuai de caresser Lixy tout en souriant.
— Ne vous en faites pas. Je ferai mon maximum pour qu’il se sente bien avec moi et qu’il progresse afin de mettre fin à ces conflits.
— Voilà le bon état d’esprit. Je suis sûr que vous allez faire du beau travail ensemble. Apprenez à vous connaître et travaillez main dans la main. Quand vous serez en harmonie parfaite, vous serez invincibles.
Devant la promesse de toutes ces futures réussites, j’étais grisé par la fierté et l’excitation, et je décidai de me relever, le torse bombé. Lixy se redressa et émit un couinement joyeux. Gensîl me tendit alors un petit objet rond, dont une moitié était rouge, et l’autre blanche.
— Voici la Pokéball de Lixy, elle te sera très utile pour pouvoir voyager avec lui en toutes circonstances. Mais n’hésite pas à le laisser gambader à tes côtés lorsque la situation le permet.
Je saisis l’objet solennellement en remerciant Gensîl.
— Encore une chose, ajouta l’ermite, souhaites-tu donner un surnom à ton Pokémon ?
J’étais surpris par cette question qui ne m’avait pas traversé l’esprit jusqu’ici, et je fixai quelques instants le petit être enjoué. Un nom… C’était la seule chose dont je me souvenais lorsque j’avais repris conscience… Je n’avais plus que le mien, qui étais-je pour en imposer un à ce Pokémon ?
— Lixy a déjà la chance d’avoir un nom, répondis-je, cela lui va très bien.
— Je vois… dit l’ermite en hochant la tête. Je crois que tout est dit, nous pouvons retourner à l’entrée de la caverne.
Alors que je me retournais pour traverser l’ouverture dans la roche que je venais d’emprunter, je fus de nouveau aveuglé par un éclat de lumière. Lorsqu’il se dissipa, je me rendis compte que j’étais déjà revenu à l’entrée de la Caverne de la Destinée, Lixy à mes côtés et Gensîl face à moi. L’ouverture au fond de la grotte avait disparu.
— Bien, dit l’ermite en joignant les mains, il va être temps pour vous deux de commencer votre voyage. Mais avant cela, j’aimerais te remettre quelque chose. Marcus t’a dit qu’il y a quelques années, aidé de plusieurs scientifiques, il m’a fabriqué un appareil fabuleux qui était capable d’enregistrer les données de tous les Pokémons rencontrés. C’est le seul bien matériel que j’ai conservé durant ma longue méditation : le Pokédex. Mais aujourd’hui, tu représentes l’avenir, et j’ai donc décidé de te le remettre pour qu’il puisse t’aider à en savoir plus sur les Pokémons durant ton voyage. Il enregistrera toutes les données de ceux que tu attraperas.
— Oh ! laissai-je échapper avec surprise. Mais… c’est trop ! Je ne peux pas accepter !
J’étais gêné que cet ermite me remette un objet aussi précieux, et j’avais confiance en mes connaissances sur les Pokémons.
— Je te le donne de bon coeur, insista Gensîl. Il te sera plus utile qu’à moi.
— Eh bien… Merci beaucoup !
Je tendais les mains pour recevoir l’appareil. On aurait dit un petit carnet rouge, mais en l’ouvrant, je découvris un écran sur le côté gauche, et de nombreux boutons sur la droite.
— Il te faudra un peu de temps pour te familiariser avec ses fonctions, mais je suis sûr que tu ne pourras plus t’en passer. Fais donc un essai. Rappelle Lixy dans sa Pokéball, et essaie de la scanner avec ton Pokédex.
Suivant les conseils de l’ermite, je tendis la Pokéball vers mon nouveau compagnon, et enclenchai son bouton. Un rayon lumineux s’en échappa et enveloppa Lixy, avant que la lumière ne s’estompe en regagnant la Pokéball. Je plaçai l’objet devant mon Pokédex, et une lumière se mit à clignoter tandis qu’un étrange scanner semblait balayer la Pokéball. Après quelques instants, un Lixy apparut sur mon écran, accompagné d’une description des caractéristiques de son espèce.
Je pus ensuite consulter de nombreuses informations détaillées sur mon Pokémon, et notamment quelles attaques il maîtrisait.
— C’est stupéfiant ! soufflai-je d’admiration.
Je me mis à réfléchir à tous les avantages stratégiques que pourrait me procurer cet appareil au cours de mon voyage.
— Tu auras tout le loisir de découvrir ses nombreux atouts, commenta Gensîl en me ramenant à la réalité. Fais-en bon usage, c’est un objet unique.
— J’en prendrai grand soin, merci encore !
— De plus, je vais te remettre ces autres Pokéballs pour t’aider à capturer tes premiers Pokémons. Il y a beaucoup de Pokémons dans les environs, mais ne gaspille pas ces objets pour autant.
Je remerciai à nouveau Gensîl qui, décidément, ne faisait pas les choses à moitié pour m’équiper. En récupérant les 5 Pokéballs qu’il me tendait et en les fourrant dans mes poches, je commençais à penser que j’allais vite manquer de place.
— Je compte sur toi pour constituer une équipe redoutable afin de pouvoir rivaliser avec les meilleurs guerriers des Confréries. Mais avant cela, tu dois te concentrer sur ton premier objectif : libérer Rocambur. Il te faudra d’abord traverser la Route 1 et aller vers l’est. Là, tu trouveras Seinen Town, une petite ville tranquille qui n’a pas encore été touchée par les conflits. Ensuite, tu devras cheminer vers le sud pour enfin atteindre Rocambur. Il faudra que toi et tes Pokémons soyez prêts à chasser la Confrérie de la Terre qui occupe le village. Si tu y parviens, Marcus et les autres habitants pourront rentrer chez eux. Penses-y, leur destin est entre tes mains. Cette bataille sera la première étape de ta grande lutte contre les 4 Confréries. Je te recontacterai si tu réussis.
Durant ces explications, je hochais religieusement la tête en essayant de me souvenir de tous les détails. Je n’avais pas une grande confiance en ma mémoire, alors je me concentrais avec une extrême application. Une fois qu’il eût fini, Gensîl patienta quelques secondes pour me laisser digérer ces informations, et conclut :
— Maintenant, va, héros des temps modernes, et pense à toutes ces vies que tu peux sauver.
— Merci pour tout, répétai-je en m’inclinant vers l’avant. Je ferai de mon mieux.
— N’oublie pas Lixy, et les autres que tu rencontreras en chemin. Tes amis seront toujours là pour toi, et tu ne gagneras pas seul…
Alors que je méditais ses dernières paroles, Gensîl disparut dans un nouvel éclat de lumière, sans me laisser le temps de le saluer et en me laissant juste entendre ses derniers mots.
— Au revoir, Cyrio… Je retourne méditer dans les abysses de l’âme humaine…
Je restais là quelques instants, à fixer le fond de la caverne, essayant de digérer tout ce qui venait de se produire. Enfin, je me décidai à tourner les talons et à quitter cet endroit mystique, tout en serrant la Pokéball de Lixy contre moi.
A peine avais-je franchi l’entrée de la Caverne de la Destinée que, déjà, la roche commença a se déplacer. En quelques instants, la paroi redevint complètement lisse, comme si rien ne s’était passé.
Est-ce que tout cela avait vraiment eu lieu ? Je n’avais d’autre choix que de m’en convaincre lorsque j’appuyai sur ma nouvelle Pokéball et que je vis en sortir un Lixy qui vint se frotter contre mes jambes. Je m’assis quelques minutes à ses côtés, au sommet de ce monticule rocheux, admirant le vaste paysage montagneux qui nous entourait. Perdu dans mes pensées, je ne savais même plus quoi faire ensuite, avant que Gérard, Jessica et Marcus ne me reviennent à l’esprit. Je me dis que la première chose à faire était d’aller leur donner de mes nouvelles. Je me relevai prestement en lançant des encouragements à mon nouvel ami :
— Allez, viens, Lixy ! Il est temps de partir à l’aventure ensemble !
Le petit Pokémon me suivit en gambadant joyeusement tandis que je descendais la pente rocheuse et que je traversais à nouveau la Route 1 pour regagner le camp de réfugiés. Je jetais régulièrement des regards derrière moi afin de m’assurer qu’il me suivait, et je le voyais batifoler : ici sautant dans un buisson, là reniflant quelques fleurs. Il semblait heureux de se dégourdir les jambes au grand air, et voir ce petit être plein de vie me mettait aussi du baume au coeur.
Lorsque j’arrivai en vue du camp, je vis Marcus devant le refuge de Gérard, occupé à discuter avec ce dernier. Les deux hommes m’accueillirent avec un large sourire, et nous entrâmes dans le refuge où je retrouvai Jessica. Gérard me servit un dernier repas de baies accompagné de sa fameuse tisane, tandis que je leur racontais la mission que Gensîl m’avait confiée, et leur présentait Lixy. Ils furent tous trois impressionnés par la décision que j’avais prise, et réservèrent un accueil chaleureux à mon nouvel ami.
— N’oublie pas de t’assurer que ton petit protégé mange bien, conseilla Gérard.
— Et fais bien attention à ne pas le surmener à l’entraînement, ajouta Jessica.
Voyant que j’étais quelque peu chargé avec tout ce que m’avait remis Gensîl, Marcus me rassura :
— Avec Gérard, nous avons fait de notre mieux pour te trouver tout l’équipement nécessaire à un long voyage.
Je le regardai d’un air interrogatif tandis que Gérard alla ouvrir l’un des seuls placards du refuge pour en sortir un fatras d’affaires diverses.
— Regarde ça ! s’exclama fièrement Gérard. Nous avons réuni toutes nos affaires de camping, il y a tout ce qu’il te faut : une petite tente pliable, un sac de couchage, un maillet et quelques sardines. Avec ça, tu pourras dormir en pleine nature ! La région d’Elenos est vaste, et tu ne trouveras pas toujours un village à proximité.
— Ce ne sera pas simple de trouver à manger tous les jours, commenta Jessica, alors nous t’offrons aussi quelques baies et nos meilleures boîtes de conserve. Cela fera un bon début !
J’étais un peu gêné de piller le garde-manger de ces braves gens, mais je concédai à Jessica que cela me serait très utile et j’acceptai de bon coeur.
— Il y a aussi ma vieille lampe à huile, ajouta Marcus, ainsi qu’un réchaud à gaz et des ustensiles de cuisine. Nous avons essayé de faire le plus léger possible.
— Comme tu n’as pas de Pokémon de type Feu, il faudra bien que tu trouves d’autres moyens pour t’éclairer et manger chaud de temps en temps ! commenta Gérard en riant.
Il rangea les différents outils et les denrées dans un grand sac à dos brun foncé, puis me l’apporta et me montra l’intérieur, m’expliquant l’utilité de toutes ses poches. On pouvait y ranger beaucoup de matériel, et ma crainte de l’encombrement s’apaisa.
— J’y ai aussi glissé d’autres objets utiles, dit-il en fouillant les dernières poches. Il y a quelques vêtements de rechange pliés à cet endroit. Et aussi… attends un peu… voilà ! Ici, tu as 2000 Pokédollars, tu pourras t’en servir pour acheter des biens. Là, je t’ai mis un petit carnet avec un crayon, je me suis dit que ce pourrait être une bonne idée que tu gardes une trace écrite de tes aventures, toi qui as perdu la mémoire. Cela pourrait t’aider à faire le tri dans tes idées.
— Vous avez raison, répondis-je, mettre mes souvenirs sur le papier sera un bon début…
— Enfin, voilà un dernier objet bien utile, ajouta Gérard en dépliant un large papier. Il s’agit d’une carte de la région d’Elenos. Elle sera indispensable pour te repérer durant ton voyage. Elle est un peu rudimentaire, mais c’est mieux que rien !
Je pris la carte entre mes mains, constatant l’ampleur de la région que je m’apprêtais à parcourir. J’imaginais les montagnes s’élevant jusqu’au ciel, les forêts impénétrables, les vastes rivières, et les côtes battues par les vagues.
— Nous sommes ici, dans la partie nord-est, m’indiqua Gérard en pointant la zone qui se trouvait juste sous ce qui semblait être un grand lac. Rocambur se trouve aussi dans cette partie d’Elenos, mais au sud-est par rapport à notre position.
Alors que je fixais la carte en étudiant les contours de la région d’Elenos, je m’aperçus que Jessica essayait de jeter un oeil au document par dessus mon épaule. A cet instant, Gérard me reprit brusquement la carte des mains, et l’enroula avant de la ranger soigneusement dans mon nouveau sac à dos.
— Bon, je pense que tout est prêt pour ton départ ! dit-il avec précipitation. Si tu veux avoir le temps de voyager un peu avant la nuit, tu ne devrais pas traîner.
Je remerciai à nouveau Marcus, Gérard et Jessica pour toute l’aide qu’ils m’avaient apportée et tous les équipements qu’ils m’avaient offerts. Les poignées de main succédèrent aux tapes amicales sur l’épaule et aux encouragements tandis que Lixy sautillait autour de nous, partageant l’euphorie ambiante. Marcus me montra comment fixer ma tente et mon sac de couchage sur le dessus de mon sac à dos, et c’est avec tout mon attirail solidement attaché sur les épaules que je franchis le seuil du refuge, bientôt rejoint par mes trois hôtes.
Marcus jeta un oeil à sa montre et observa attentivement le soleil qui descendait déjà vers l’ouest avant de déclarer :
— Je pense que tu as bien trois ou quatre heures de soleil devant toi. Cela te fait déjà une bonne marche pour ton premier jour de voyage.
— Je propose de t’accompagner sur la Route 1 pour t’indiquer la direction de Seinen Town, me lança Gérard en souriant.
Je ne comprenais pas pourquoi Gérard jugeait nécessaire de me guider sur ce chemin que je commençais à connaître par coeur, mais j’acceptai sans poser de question. Je saluai une dernière fois Marcus et Jessica en leur promettant de faire tout mon possible pour libérer leur village. Je laissai Lixy profiter de dernières caresses auprès de Jessica, puis je me mis en route. Tandis que je marchais avec détermination sur le sentier de terre de la Route 1, avec Gérard et Lixy sur mes talons, Jessica et Marcus agitaient les bras en me criant leurs ultimes conseils et encouragements.
— Bonne chance ! lança Jessica. Fais attention à toi !
— Ne prends pas de risques inutiles ! surenchérit Marcus. Reviens-nous en pleine forme !
Je leur fis quelques signes en retour, m’efforçant d’afficher un sourire confiant malgré toutes mes incertitudes sur ce qui m’attendait. Enfin, ils disparurent derrière les arbres, et je continuai ma route en compagnie de mes deux acolytes qui restaient silencieux.
Nous marchâmes ainsi durant quelques minutes jusqu’à atteindre le panneau de bois qui indiquait la direction de Seinen Town. Gérard s’arrêta, et je sentais bien qu’il mourait d’envie de me confier quelque chose. Je le regardai fixement, m’attendant déjà à de nouveaux conseils.
— Je vais m’arrêter là, commença-t-il. Mais, avant que tu ne partes à l’aventure, j’aimerais te faire part d’une confidence. Puisque tu es à la recherche de ton passé, je me suis dit que cela pourrait être important…
— Que voulez-vous dire ? répondis-je aussitôt en prêtant soudainement beaucoup plus attention à ce qu’il disait.
— Vois-tu… en réalité… je ne t’ai pas trouvé sur la Route 1.
Je pensais être au bout de mes surprises pour aujourd’hui, mais je manquais de tomber sous le poids de mon sac en apprenant cette nouvelle.
— Mais… Mais où, alors ?!
— Eh bien… je t’ai trouvé évanoui dans une vallée qui se trouve un peu plus au nord. C’est Marcus qui m’a fait découvrir ce merveilleux endroit. Il abrite un lac magnifique et je viens régulièrement y chercher de l’eau fraîche pour tout le village. Mais je lui ai promis de n’en parler à personne, pour que ce lieu reste secret et que personne ne vienne altérer sa beauté. C’est pourquoi je n’en ai pas parlé devant Jessica, elle aurait pu le répéter à quelqu’un et la nouvelle se serait répandue. Ce lieu doit rester secret pour que jamais l’homme ne vienne le souiller.
Je comprenais soudainement l’empressement de Gérard lorsque Jessica avait essayé de voir la carte qu’il m’avait remise.
— Cette vallée… Est-ce qu’il s’agit du lac que vous m’avez indiqué sur la carte d’Elenos ?
— C’est bien ça. J’ai moi-même ajouté son emplacement sur ta carte !
Je restais pensif quelques instants en essayant de comprendre tout ce qu’impliquait cette nouvelle révélation.
— Enfin bref, conclut Gérard, puisque je t’ai trouvé là-bas, tu connaissais certainement ce lieu. Tu ferais bien de t’y rendre, tu pourras peut-être y trouver des indices sur ton identité. Un sentier qui serpente à travers un bois plutôt dense mène à cette splendide vallée. Il se trouve un peu plus au nord, et il est caché par un bosquet d’arbres touffus. Personne n’est allé voir de près et c’est pourquoi ce lieu est resté inconnu.
— Je vous remercie de m’avoir dit la vérité. J’espère pouvoir y trouver quelque chose.
— C’est normal, dit Gérard en se penchant pour tapoter doucement la tête de Lixy. J’espère de tout coeur que tu découvriras qui tu es.
Il resta quelques instants à caresser mon petit compagnon, puis il sentit que l’heure du départ avait sonné.
— Prends soin de ton dresseur, Lixy. Tu devras bien le protéger !
Lixy poussa un petit cri plein de vivacité, et je saluai Gérard tandis qu’il s’éloignait vers le camp de réfugiés. Tous les habitants de Rocambur comptaient sur moi… Sur Lixy et moi…
— C’est maintenant que notre voyage commence vraiment, lançai-je à mon nouvel ami.
Nous étions seuls, livrés à nous-mêmes, mais avec des objectifs clairement définis. Rien ne pourrait arrêter notre détermination. Quittant le chemin de terre qui traçait la route vers Seinen Town, nous partîmes vers le nord à la recherche de ce lieu secret qui attisait déjà ma curiosité.
Durant de longues minutes, nous traversâmes une prairie verdoyante parsemée de petites fleurs d’un rose pâle. L’endroit montrait très peu de relief et la chaleur de cet après-midi printanier rendait le début de ce voyage bien agréable. Je regardais régulièrement autour de nous avec attention, espérant découvrir le bosquet qui dissimulait l’accès à ce fameux sentier. Arrivant en vue d’un champ d’herbes hautes, j’aperçus un Fouinette dressé en prenant appui sur sa queue qui s’enfuit aussitôt en nous voyant.
Alors que nous longions un étang à proximité de ce champ, un Ptitard jaillit soudainement de l’eau et se tint devant nous. Il ne semblait pas très heureux de nous voir et fit claquer sa queue en prenant un air menaçant. Mon sang ne fit qu’un tour, c’était l’opportunité que j’attendais pour renouer avec les bases du combat Pokémon.
— Lixy ! criai-je avec un mélange d’entrain et d’excitation. On dirait que nous sommes sur le territoire de ce Ptitard. Mais on ne fera pas demi-tour. Nous allons devoir nous battre !
Aussitôt, Lixy bondit devant moi et fit face à Ptitard, déjà prêt à entamer la confrontation. Je saisis rapidement mon Pokédex afin de me remémorer les attaques que maîtrisaient mon Pokémon. C’est vrai… Il ne maîtrisait que « Charge » et « Groz’Yeux ». Les Pokémons de bas niveau avaient souvent un panel de mouvements assez réduit, il fallait que je les utilise intelligemment. Déjà, Ptitard nous attaquait en projetant des bulles vers Lixy.
— Une attaque « Écume » ! Évite-la !
D’un bond, Lixy esquiva les bulles et atterrit juste devant son adversaire.
— Bien joué ! Maintenant, attaque « Charge » !
Lixy se propulsa violemment sur Ptitard, ce qui projeta le Pokémon sauvage dans l’eau. Mais il ne lui fallut que quelques secondes pour remonter à la surface et lancer une nouvelle attaque « Écume ». Cette fois Lixy, n’eut pas le temps de réagir et fut frappé de plein fouet par les bulles.
J’attendais que Ptitard regagne la terre ferme avant d’ordonner une nouvelle attaque à Lixy, mais notre adversaire semblait comprendre que l’eau lui donnait un avantage, et il restait immergé. Il disparaissait sous la surface de l’eau et réapparaissait prestement pour lancer de nouvelles attaques. Je ne pouvais pas demander à Lixy de se jeter dans l’étang.
Lorsque Ptitard réapparut une nouvelle fois, je décidai de changer de stratégie et de tenter de le capturer. Je lui lançai une Pokéball en y mettant toute ma force. Faisant preuve de réflexes étonnants, Ptitard jaillit au dessus de l’eau et repoussa l’objet d’un violent coup de queue, l’envoyant s’écraser contre la berge. Je ne m’attendais pas à une telle riposte et j’eus le souffle coupé quelques instants.
Galvanisé par son succès, Ptitard atterrit sur la berge, fixant fièrement la Pokéball devenue fissurée et visiblement inutilisable.
— C’est notre chance ! hurlai-je aussitôt à Lixy. Ne le laisse pas retourner à l’eau ! Utilise « Groz’Yeux » !
Lixy se cambra sur ses pattes, fit gonfler son pelage et prit un air terrifiant dont je ne l’aurais jamais cru capable. Je savais que « Groz’Yeux » était une attaque qui permettait de diminuer la Défense de l’adversaire. En effet, Ptitard fut intimidé et hésita quelques instants. Il ne nous en fallait pas plus.
— Utilise « Charge » de toutes tes forces !
Lixy fonça sur Ptitard sans hésitation et le projeta au milieu de l’étang. Notre adversaire semblait complètement épuisé et disparut sous l’eau. Lixy et moi attendîmes quelques minutes, les yeux rivés sur la surface de l’eau, mais notre adversaire ne se montra pas.
— Je crois qu’il s’est enfui, Lixy. Nous avons remporté notre premier combat !
Lixy se précipita vers moi, tout fier de son premier succès. Je le pris dans mes bras, enchaînant les caresses et les encouragements. Ce n’était pas grand chose, nous avions juste affronté un Ptitard au bord d’un étang, mais déjà, nous avions fait preuve d’une bonne cohésion. De plus, j’avais senti en moi cette chaleur, cette passion fiévreuse lorsque j’avais dû prendre des décisions rapides en plein combat. Je ne me sentais pas encore capable de vaincre les plus grands guerriers, mais mon affinité avec le combat que Gensîl soupçonnait me parut soudainement plus concrète.
Ne souhaitant pas m’enflammer davantage, je reposai Lixy au sol et lui offris une dernière caresse. Je ramassai ensuite la Pokéball brisée qui flottait à la surface de l’étang. Elle ne me serait plus d’aucune utilité. Nous avions remporté le combat, mais ma tentative de capture était un échec cuisant. Cela me permit de réaliser qu’une capture ne s’improvisait pas, et qu’il fallait toujours s’attendre à ce qu’un Pokémon sauvage puisse riposter s’il n’était pas assez affaibli. Je remis mon sac sur mon dos en ruminant ce que j’aurais dû mieux faire, et nous reprîmes notre route vers le nord.
Après avoir franchi le champ d’herbes hautes, nous arrivâmes en vue d’une lisière dense faite de pins entrelacés et de buissons touffus à leurs pieds.
J’avais le sentiment d’être arrivé au bon endroit, et nous nous engageâmes entre les branches basses garnies d’épines vert sombre. Je repoussai péniblement la végétation qui s’accrochait à mes vêtements avec obstination, tandis que Lixy progressait bien plus prestement et agilement au ras du sol. Après avoir lutté avec cette barrière végétale durant de longues minutes, le sous-bois se fit un peu plus dégagé et laissa entrevoir un petit sentier de terre. C’était bien l’endroit dont m’avait parlé Gérard.
Je levai les yeux et je constatai que l’épaisse frondaison ne laissait plus voir que quelques fragments de ciel bleu. La nuit tomberait certainement plus vite dans ce bois. Reprenant ma route sans attendre, je m’engageai sur le petit sentier de terre. Avait-il été tracé naturellement à force d’être parcouru par Gérard et Marcus ? Ou bien par des Pokémons ? Toujours est-il qu’il n’était pas des plus nets, s’estompant parfois sous les herbes folles, faisant parfois des détours inutiles autour de grands pins.
Lentement, inexorablement, la piste semblait monter. La pente était douce, presque imperceptible, mais nous prenions de l’altitude minute après minute. Autour de nous, le sol était jonché d’épines de pin brunâtres, de vieilles souches et de branches mortes, si bien que peu de fleurs ornaient ce sous-bois clairsemé. Sur les troncs sombres des conifères, j’apercevais parfois un Aspicot ou un Chenipan rampant timidement pour se mettre à l’abri à notre passage.
Je voulais essayer de voir si mon Pokédex disposait de fonctions me permettant d’afficher des informations sur les Pokémons que je ne faisais que croiser furtivement, et je fouillais les menus de l’appareil tout en continuant à marcher. C’est alors que je découvris une fonction « Carte » que je n’avais pas remarquée auparavant. Lorsque j’enclenchai ce bouton, un plan de la région d’Elenos apparut sur l’écran de l’appareil. Il était moins finement tracé que celui que Gérard m’avait offert, mais il semblait contenir plus d’informations. L’emplacement des routes y figurait, ainsi que la position des villes et d’autres points d’intérêt de la région. De plus, le Pokédex était capable d’afficher ma position en temps réel. Un carré blanc me confirma que j’étais bien en train de progresser vers le nord, et je découvris que le lieu que je parcourais se nommait le Sentier Sylvestre.
Une nouvelle fois stupéfait par les fonctionnalités de ce précieux appareil, je m’étais complètement arrêté de marcher. Lixy semblait s’impatienter et tournait autour de moi en me jetant des regards interrogateurs. Rassuré de constater que nous étions sur la bonne voie, je rangeai le Pokédex et repris ma marche.
Alors que nous nous étions bien enfoncés dans ce bois, j’aperçus une dizaine de Coconforts accrochés aux branches d’un immense mélèze. Je pensai immédiatement que, s’ils se trouvaient là, il y avait peut-être des Dardargnans dans les environs, et je décidai de ne pas m’attarder.
En continuant sur le sentier, nous trouvâmes quelques buissons de Baies Oran et Pêcha, et je les cueillis consciencieusement. Je savais que les Baies Oran pouvaient redonner de la force aux Pokémons fatigués, et j’en donnai une immédiatement à Lixy qui la goba avec délice. Quant aux Baies Pêcha, elles étaient connues pour soulager les effets du poison, et je me dis qu’elles pourraient être utiles en voyant les Pokémons qui peuplaient cette forêt.
Le chemin avait beaucoup bifurqué depuis que nous l’avions trouvé, et je n’avais plus l’impression d’avancer vers le nord. Je m’appliquais tout de même à le suivre, n’ayant d’autre moyen de me repérer. Nous serpentions depuis presque une heure dans ce sous-bois silencieux lorsque notre attention fut attirée par une stridulation lointaine, un léger crissement, une plainte aiguë et mélancolique. Je reconnaissais ce son. Il s’agissait d’un Crikzik, et la chanson qu’il lançait à la forêt annonçait l’arrivée du soir.
Nous continuions d’avancer sur le sentier avec obstination, à travers ce sous-bois qui me semblait devenir de plus en plus vide et monotone. J’avais cependant l’impression que l’activité redoublait dans les branches autour de nous à mesure que la lumière déclinait, et je vis à plusieurs reprises des Mimigals s’affairer à tisser leur toile. Le ciel que l’on apercevait à travers la canopée prenait une teinte rosée, mais il faisait déjà bien sombre dans ce bois et j’accélérai le pas, espérant en sortir avant la nuit.
Sur une centaine de mètres, les arbres se firent plus clairsemés. Le changement se produisit si soudainement que, lorsque je m’en rendis compte, j’étais déjà sorti de la forêt. Je fus aussitôt ébloui par la vive lumière du soleil rougeoyant qui était désormais visible à l’ouest, entre les hauts sommets des Montagnes du Nord. Lorsque mes yeux se réhabituèrent à la luminosité, je découvris un paysage à couper le souffle.
Je me trouvais dans une immense vallée, faite d’une prairie verdoyante bordant un lac qui prenait les mêmes teintes rosées que le ciel du crépuscule. L’étendue d’eau était logée au milieu d’immenses falaises rocheuses, comme des murailles la protégeant du monde extérieur. Seuls quelques torrents dévalaient depuis les sommets enneigés, alimentant ce lac extraordinaire. Dans la prairie se balançaient de délicates fleurs blanches, roses et rouges, tandis que le vert sombre des pins et des épicéas encadrait le sud de la vallée. A la surface du lac, l’eau reflétait les derniers rayons du soleil et les dispersait dans toute la vallée, l’inondant d’une lumière éphémère qui faisait ressortir chaque forme et chaque ombre. C’était une vision onirique, comme si la nature avait sciemment bâti ce sanctuaire pour y réunir toutes les couleurs et toutes les beautés dont elle était capable.
J’avançais doucement dans la prairie qui s’étendait devant nous, ayant presque l’impression de profaner un lieu sacré. Lixy fit moins de manières que moi et s’élança au milieu des herbes hautes, batifolant et poussant des cris enjoués.
Le soleil ne tarda pas à disparaître complètement derrière les sommets, plongeant la vallée dans l’ombre. Les premières étoiles se dévoilaient timidement tandis que le ciel virait du bleu foncé au noir, et c’est bientôt un quartier de lune qui apparut au dessus du grand lac. Je décidai d’installer ma tente à proximité d’un petit bosquet d’épicéas au bord de la prairie afin d’être à l’abri du vent. A la lueur de ma lampe à huile, j’utilisai le réchaud pour me préparer quelques légumes en boîte.
J’étais tellement absorbé par ma cuisine que je ne me rendis pas compte que Lixy s’était éloigné. Lorsque mon plat fut prêt, je m’apprêtais à le déguster quand je remarquai que mon compagnon avait disparu dans l’obscurité. Je regardais autour de moi en appelant dans l’immensité nocturne où je distinguais à peine la forme des arbres environnants.
Après quelques minutes d’angoisse, je me préparai à partir à la recherche de Lixy lorsque j’entendis un bruissement dans les herbes. Je vis alors la silhouette de mon Pokémon trottiner tranquillement dans ma direction. Il portait quelque chose dans sa gueule, et je me dis que j’avais peut-être fait tomber un objet en route et qu’il me l’avait rapporté.
Mais lorsque Lixy arriva à la hauteur de la lampe, je compris qu’il transportait un Pokémon. Il laissa tomber près de mon réchaud un petit Keunotor inerte. Je n’avais jamais vu un Keunotor aussi minuscule, et je me dis qu’il s’agissait sans doute d’un jeune né ce printemps. Sans autre forme de procès, Lixy commença à dépecer sa proie et à en déguster les meilleurs morceaux.
Je fus surpris quelques instants devant ce spectacle que je n’avais pas anticipé, mais je revins rapidement à la réalité : Lixy était un prédateur, et c’était dans l’ordre des choses. Ce n’était pas avec quelques baies que j’aurais pu le nourrir tout au long de notre voyage.
Laissant mon compagnon à son repas, je commençai mes légumes à moitié refroidis. Le silence et l’obscurité de la vallée nous étreignaient alors que nous reprenions des forces, et seuls le murmure des torrents et quelques coassements étouffés de Tritondes nous rappelaient la présence du lac.
Une fois que nous fûmes restaurés, je déroulai mon sac de couchage à l’intérieur de ma tente pour ma première nuit à la belle étoile. Lixy se coucha à mes côtés alors que je finissais de ranger mon sac. Je découvris le petit carnet que Gérard m’avait remis. Il m’avait conseillé de prendre note de mes aventures afin de stimuler ma mémoire. Cela serait-il d’une grande utilité ?
Peut-être par curiosité, je décidai de m’essayer à l’écriture et saisis le petit crayon qui accompagnait le carnet. A la lumière de ma lampe, je notai tout ce que j’avais ressenti depuis mon départ et tout ce qui me passait par la tête : ma confusion en découvrant la situation d’Elenos, ma reconnaissance envers Gérard, Jessica, Marcus et Gensîl, les responsabilités qui m’avaient soudainement été confiées, mes connaissances des Pokémons qui me venaient naturellement, mon premier combat avec Lixy qui avait réveillé certaines choses en moi… Et cette vallée… J’aurais pu écrire beaucoup de choses sur cette vallée. Je m’y sentais bien.
En consultant la carte de mon Pokédex, je découvris que l’endroit se nommait la Vallée Azure. Les pensées se bousculaient dans ma tête. J’étais censé connaître ce lieu, mais malgré mon émerveillement à mon arrivée ici, cela ne m’avait évoqué aucun souvenir. Pourtant, j’avais l’impression d’avoir ressenti quelque chose de familier en découvrant ce lac immense qui inondait la vallée de la lumière du soir. Comment aurais-je pu l’exprimer ? Je ne parvenais à trouver les mots pour l’écrire.
Je nourrissais l’espoir que ce carnet fasse remonter d’autres souvenirs à la surface, mais cela n’eut pas l’effet escompté. Peut-être faudrait-il que j’écrive régulièrement, et que faire l’effort de décrire et comprendre mes émotions pourrait m’aider à faire rejaillir des souvenirs insoupçonnés. Éreinté par cette longue journée, je rangeai mon carnet dans mon sac avant d’éteindre la lumière et de me glisser dans les couvertures épaisses, transi par la fraîcheur de plus en plus prononcée de la nuit. Je me jurai d’inspecter la vallée plus attentivement dès le lever du soleil. Il fallait que je trouve quelque chose.
Tandis que la respiration de Lixy ralentissait et que les hululements lointains de Hoothoots se faisaient entendre dans la forêt, je m’abandonnai à un sommeil bien mérité.
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