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Chapitre 1 : Renaissance

Épisode 1 : Le réveil

C’était une nuit d’orage. J’en étais à peu près sûr. Mais que s’était-il passé ? Tout ce dont je me souvenais, c’était d’un bruit terrifiant. Un bruit terrifiant, et une douleur insupportable.
Ce bruit, était-ce le rugissement du tonnerre qui avait déchiré la nuit ? A moins que… A moins qu’il n’y ait eu un cri ? Je n’arrivais pas à me souvenir. Était-ce l’orage, ou était-ce quelqu’un que j’avais entendu hurler ?

Au bruit et à la douleur, avaient succédé le silence et l’absence de sensations. J’avais l’impression d’être plongé dans une obscurité sans fin. Plus aucun poids, plus aucune pression ne s’exerçaient sur mon corps. Cela en devenait presque agréable.
Mais, petit à petit, les sensations ont commencé à revenir. La douleur s’est répandue dans mes muscles, j’ai senti mes jambes raides et mon dos engourdi. Le pire, c’était ma tête. Une souffrance horrible me faisait regretter ce moment éphémère où je ne sentais plus rien.
Je devais essayer de me souvenir… Que s’était-il passé ? Et où étais-je ? J’essayais d’ouvrir les yeux, mais impossible de bouger quoi que ce soit. Tout était confus dans mon esprit. Cette douleur obsédante qui se répandait dans tout mon crâne était ma seule certitude.
Qui étais-je ?… J’en étais même venu à me poser cette question. A la douleur, vint s’ajouter une profonde angoisse. Je n’étais pas sûr de me souvenir de qui j’étais. J’essayais de ne plus me concentrer sur le poids insupportable qui s’exerçait sur ma tête, et je tentais de recouvrer mes esprits.
Petit à petit, une certitude commençait à refaire surface… J’étais un homme… Oui, j’en étais certain. Et mon nom ? Cela me revenait… Cyrio. Je m’appelais Cyrio. Cela m’était revenu comme une évidence. Mais à part cette vague description de moi-même, rien ne semblait vouloir refaire surface. Je commençais à perdre patience. Je ne supportais plus cet état de torpeur. J’avais la sensation que si je restais ainsi plus longtemps, même mon nom finirait par s’effacer. Concentrant toute ma force et ma volonté dans mes paupières, je réussis finalement à les soulever.

Aussitôt une forte lumière m’éblouit. Je n’avais pas vu autant de lumière depuis… Impossible de le dire. Lorsque mes yeux se réhabituèrent à la luminosité des lieux, je réalisai que je fixais une charpente en bois. Réussissant à bouger la tête, je me rendis compte que j’étais alité. Je ne comprenais pas ce qui se passait et je me sentis un peu paniqué de me réveiller dans cet endroit inconnu. Je ne devais pas rester ici. Quelque chose au fond de moi semblait me le crier. J’avais quelque chose à faire. En réalisant cela, mes forces revinrent avec une rapidité surprenante. Je parvins à reprendre le contrôle des muscles de mes bras, puis de mes jambes. Quelques instants plus tard, je m’asseyais sur le lit, avant de me lever. J’étais encore très faible et, tout en chancelant, j’examinais les lieux.
Je me trouvais dans une large pièce dont les murs de bois était décorés de larges fenêtres qui laissaient entrer la lumière du jour. A l’autre extrémité de la pièce, un lit identique au mien était soigneusement refait, et seuls quelques rares meubles brisaient la monotonie de ce large espace. Intrigué par cet endroit, je ne remarquai pas immédiatement qu’une jeune femme était assise à la table au centre de la pièce. Lorsqu’elle se retourna, elle laissa échapper un cri de surprise. Je fis un pas en arrière, moi aussi surpris et effrayé par cette présence. La jeune femme se leva calmement et marcha vers moi. Sous ses longs cheveux bruns ornés d’une queue de cheval, elle m’adressa un sourire rassurant.
— Te voilà enfin sur pied, dit-elle calmement. Je suis soulagée. Je me faisais du souci pour toi.
Ne comprenant toujours pas la situation, je la fixais sans rien dire, incrédule. Un peu gênée, elle reprit :
— Mon père t’a trouvé sur la Route 1, alors il t’a transporté jusqu’ici. Tu semblais avoir été blessé. Nous t’avons soigné et nous avons veillé sur toi.
Je l’écoutais me raconter les circonstances de mon arrivée ici, mais rien ne me paraissait clair. Cela ne faisait qu’augmenter ma confusion. Je n’avais aucune idée de ce qu’était la Route 1. La jeune femme, devinant peut-être mon malaise intérieur, mais voulant satisfaire sa curiosité, continua :
— Mais… que faisais-tu étendu au milieu du chemin ?
Je me résolus enfin à lui répondre et des mots m’échappèrent. Ils résumaient dans quel état je me trouvais durant toute cette torpeur.
— Je… je ne sais pas… Je ne me souviens de rien.
— Quoi ? sursauta la jeune femme. Tu ne te souviens de rien ? Est-ce que tu te souviens au moins comment tu t’appelles ?
Je réfléchissais un instant avant de répondre. Même si j’étais perdu dans un endroit inconnu, je n’avais pas d’autre choix que de faire confiance à cette femme et de lui raconter tout ce que je savais… Pas grand chose, en somme.
— Oui… Je crois… Je m’appelle Cyrio.
— Moi, c’est Jessica. Mais tu ne te souviens de rien à part ton nom ?
— Non… C’est le noir complet. Je me souviens juste de mon nom, mais je n’ai aucune idée de qui je suis ni de comment je suis arrivé là…
— C’est terrible ! Alors tu ne te souviens même pas dans quelle situation est le monde actuellement ?
— Que voulez-vous dire ? Que se passe-t-il actuellement ? Et où suis-je ?
— Tu te trouves dans un camp de réfugiés situé dans les Montagnes du Nord. Nous avons établi un camp ici car nous avons fui notre village, ravagé par les conflits entre les 4 Confréries.
Lorsque Jessica prononça ces mots. J’avais l’impression désagréable d’avoir oublié quelque chose de fondamental. Quelque chose essayait d’émerger en moi, mais impossible de m’en souvenir.
— Les 4 Confréries ? Qu’est-ce que c’est ?
A peine avais-je formulé cette question qu’un homme déboula dans la pièce en criant.
— Jessica ! Jessica ! C’est terrible ! Les habitants de Seinen Town ont signalé une nouvelle attaque à quelques kilomètres au sud !
— Quoi ?! cria la jeune femme en se retournant. Oh, non ! Encore une bataille !
L’homme essoufflé s’appuya quelques instants contre un mur, puis il posa le regard sur moi. Son visage s’éclaira aussitôt.
— Oh ! Mais je vois que notre pensionnaire s’est réveillé. Tu vas bien ?
— Permettez-moi de faire les présentations, l’interrompit Jessica. Cyrio, je te présente Gérard, mon père. C’est lui qui t’a transporté jusqu’ici.
— Mais il n’y a pas de quoi me remercier, ajouta l’homme en bombant le torse. Je ne pouvais pas te laisser évanoui sur le chemin. J’aurais été bien égoïste.
Gérard devait avoir une cinquantaine d’années, son visage était caractérisé par un large front ridé et un regard dur et perçant qui laissait transparaître les épreuves qu’il avait dû traverser. Seule une couronne de cheveux bruns subsistait derrière sa tête. Voyant que je n’étais pas enclin à poursuivre la conversation, Jessica s’approcha de son père et reprit :
— Papa ! Cyrio a un problème ! Il a dû faire une mauvaise chute et il a perdu la mémoire.
— Comment ? Tu es amnésique, jeune homme ?
— Oui, répondis-je finalement. Je ne me souviens de rien à part mon nom…
— Mais alors… tu n’es pas au courant de ce qu’il se passe actuellement ?
— J’allais justement le lui expliquer avant ton irruption, remarqua Jessica.
Encore haletant, Gérard réfléchit un instant, troublé par cette révélation. Il essuya la sueur sur son front et prit un air grave avant de déclarer :
— Hum… Une petite mise au point s’impose. Nous ne pouvons pas le laisser dans l’ignorance. Je vais tout t’expliquer. Venez, installons-nous à table.
Il traversa la pièce, tira l’une des chaises qui se trouvait près de la table au centre et me la désigna. Il alla ensuite s’asseoir de l’autre côté de la table, bientôt rejoint par sa fille. Encore sonné, je les rejoignis d’un pas hésitant et je m’installai sans cesser de regarder autour de moi. Je venais de me réveiller dans un endroit complètement inconnu, et déjà, on voulait assaillir mon esprit embrumé à coup d’explications complexes.

Gérard se racla bruyamment la gorge avant de commencer :
— Bien, je vais tâcher de t’expliquer brièvement ce que sont les 4 Confréries et pourquoi elles se battent. Avant d’habiter ce refuge, nous étions de paisibles villageois à Rocambur, un petit bourg sans prétention. Nous vivions heureux et pensions que cela allait durer pour l’éternité. Mais, il y a 3 ans, un évènement sans précédent a changé la face du monde. 4 organisations sorties d’on ne sait où ont soudainement envahi la région d’Elenos. Elles ont pris possession de nombreuses villes et on enrôlé de force des dizaines d’habitants innocents pour en faire des esclaves ou des guerriers. En parallèle à ces conquêtes, ces 4 organisations menaient une guerre sans merci. Il semblait que chaque organisation voulait éliminer les 3 autres. Quand elles sont apparues, personne ne connaissait leur but, les raisons de leurs actes, ni même leurs origines. Qui étaient-ils réellement ? Et pourquoi étaient-ils en conflit ?
Gérard s’arrêta quelques instants, les yeux perdus dans le vide. Il se ressaisit et adressa un regard à Jessica avant de continuer :
— A l’époque, nous ne souciions pas vraiment de toutes ces histoires… Rocambur était un petit village insignifiant, perdu dans les lointaines contrées du nord. Mais, petit à petit, les conflits se rapprochaient de notre village. Et les envahisseurs commençaient à s’attaquer à de petites agglomérations. Nous avons commencé à réellement nous inquiéter pour nos vies, pour nos familles… A cette époque, les envahisseurs étaient arrivés depuis 2 ans environ. Il s’était passé beaucoup de choses que nous ignorions : des batailles des attentats… Mais par je ne sais quels moyens d’espionnages ou d’autres évènements inconnus, l’identité des envahisseurs était maintenant connue de tous. La légende de leurs origines et de celles de leur conflit avait commencé à se répandre à travers toute la région. Tout le monde savait qui ils étaient.
L’homme s’arrêta de nouveau et me fixa du regard. Son air grave et sérieux, presque froid, me déstabilisa pendant quelques instants, si bien que je détournai le regard par réflexe.
— Tu te dois de connaître aussi cette légende, continua-t-il. Elle est essentielle dans le monde actuel, ne serait-ce que pour survivre. Je vais donc te la conter. Mais avant cela, permets-moi de te demander si tout cela ne t’a pas un peu rafraîchi la mémoire ?
Je réfléchis quelques instants. Lorsque Jessica m’a parlé de ces Confréries, j’ai senti quelque chose qui réagissait en moi. Comme si ses paroles avaient trouvé un écho. Cependant, les circonstances que venaient de me décrire Gérard ne m’évoquaient rien de plus. Frustré, j’essayais de fouiller au plus profond de ma mémoire, mais je n’y trouvais que de la confusion et de la souffrance.
— Je suis vraiment désolé, répondis-je finalement en fixant le sol. Tout cela ne me dit rien du tout. Je découvre cette histoire à l’instant. Elle ne me rappelle aucun souvenir.
Déçu de ma réponse, Gérard se gratta le menton en marmonnant :
— Hum… Alors ton amnésie est vraiment grave… Personne n’ignore cette histoire dans le monde actuel…
— Alors j’aimerais beaucoup l’entendre, déclarai-je avec détermination. Je veux connaître l’origine de ces organisations.
Gérard acquiesça et se racla à nouveau la gorge. Jessica, toujours silencieuse, l’écoutait religieusement, tandis que je me concentrais sur ses paroles en essayant de visualiser ce qu’il me racontait.
— Bien… Alors, allons-y… Voici… l’histoire…

« Depuis la nuit des temps, 4 Confréries cohabitent dans notre région, Elenos. Chacune représentait une force de la Nature à laquelle elle était particulièrement attachée : l’Eau, le Feu, la Terre et le Vent. Les 4 groupes assuraient un équilibre parfait entre ces 4 forces et veillaient à une harmonie entre la Nature et les êtres vivants dans toute la région.
Le Quartier Général de chacune se situait dans un endroit reculé et peu de gens soupçonnaient leur existence. En résumé, ces 4 organisations veillaient à l’équilibre naturel dans le plus grand secret. Et elles étaient très utiles à la Nature, voire indispensables pour son bon fonctionnement. Elles se réunissaient tous les 50 ans pour faire le point sur les actions menées durant les cinq dernières décennies. Chaque Chef venait débattre et présenter son point de vue à ses confrères.
Mais, il y a 32 ans a eu lieu leur dernière assemblée, durant laquelle un drame terrible allait changer la face du monde. En effet, peu de temps avant le discours qu’allait prononcer le Chef de la Confrérie du Feu, un grand orateur, il s’est effondré dans les tribunes. La réunion a tout de suite été interrompue et des médecins l’ont examiné. Ils n’ont pas compris l’origine de son mal et, la nuit suivante, il a expiré dans d’atroces souffrances. Leur Chef étant décédé, les médecins ont décidé de faire un examen plus approfondi de son organisme. Ils ont découvert qu’il avait été empoisonné avec des toxines presque indétectables avant qu’elles ne passent plusieurs heures dans le corps de la victime.
A partir de cet évènement, les membres de la Confrérie du Feu ont compris que quelqu’un avait cherché à faire taire leur Chef qui, d’après eux, comptait faire d’importantes révélations. Ils ont décidé de ne pas laisser sa mort impunie et ont déclaré une guerre totale aux 3 autres Confréries. Les fidèles du défunt ont commencé à soupçonner une alliance entre les 3 autres organisations pour évincer leur Chef. Puis, des attentats et des attaques ont commencé à survenir sur les territoires de chaque Confrérie. Elles ne se sont plus préoccupées de chercher le responsable, elles se sont lancées dans une guerre sans merci contre tous ceux qui s’opposaient à elles.
Dans leurs confrontations, les Confréries respectaient une règle d’or : ne jamais utiliser d’armes au combat. Les Pokémons étaient la meilleure façon de se battre et de prouver sa valeur.
Pendant les 29 premières années de conflit, ces organisations se battaient dans des lieux reculés et inconnus du public. Mais, il y a 3 ans, comme tu le sais déjà… les Confréries sont passées à la vitesse supérieure et ont décidé d’envahir Elenos. »

Gérard reprit brusquement un ton plus apaisé, ce qui me fit sortir de la transe dans laquelle je m’étais plongé.
— Et voilà toute l’histoire… La suite… tu la connais…
Je restais silencieux quelques instants, encore abasourdi par la quantité d’informations que je venais de recevoir et par toutes les questions qui se bousculaient dans ma tête. Comment de telles organisations avaient-elles pu rester secrètes pendant si longtemps ? Comment leur histoire dissimulée pouvait-elle être devenue une légende que tout le monde se transmettait ? Tout cela était-il véridique ?
Toujours est-il que cela ne m’évoquait pas davantage de souvenirs. Cependant, lorsque Gérard avait brièvement mentionné que les Confréries se battaient en utilisant des Pokémons, j’avais à nouveau senti quelque chose qui s’éveillait en moi. Comme si un instinct profondément enterré tentait d’émerger. Les Pokémons… Ce mot m’évoquait plus de choses que n’importe quel autre depuis mon réveil… Ces créatures extraordinaires qui peuplent notre monde… Pourquoi cela me paraissait-il si clair ?
Submergé par mes questions et mes sensations, la seule réponse intelligible qui sortir de ma bouche à cet instant fut :
— Quelle histoire incroyable…
— Eh oui, reprit Gérard. Voilà les origines du conflit qui déchire ce monde. Par la suite, les membres de la Confrérie de la Terre ont déboulé dans notre village. Ils ont voulu s’en emparer pour une raison que j’ignore… Et ils nous ont chassé de nos demeures…
— Mais… Est-ce que mon passé a un rapport avec cette histoire ? demandai-je naïvement à Gérard comme s’il possédait toutes les réponses.
— Ça, je n’en ai aucune idée… Je ne sais pas ce que tu faisais, évanoui sur le chemin.
Jessica, restée silencieuse pendant toute l’histoire, reprit la parole pour manifester une nouvelle fois sa curiosité.
— C’est très étrange ! Avec tous les conflits actuels, plus personne n’ose s’aventurer sur les routes. Et nous ne t’avions jamais vu avant… Que faisais-tu ?
— Oui, Jessica a raison, acquiesça Gérard. Il est inconcevable que tu sois parti dans les montagnes sans Pokémon. De nos jours, c’est le seul vrai moyen de protection. Tu devais sûrement en avoir, mais tu as dû les perdre d’une manière ou d’une autre.
— Oui, vous avez sûrement raison, répondis-je en fouillant machinalement les poches de mon pantalon gris.
C’est à cet instant que je réalisai que les vêtements que je portais, comme tout le reste, ne me disaient rien. J’inspectais alors attentivement le blouson bleu que je portais. Comprenant peut-être mes interrogations, Gérard précisa :
— Pas la peine de fouiller tes poches, je t’ai fait enfiler ces vêtements alors que tu étais évanoui. Les tiens étaient en lambeaux et inutilisables. Je ne voulais pas que tu attrapes froid. Mais je peux te confirmer que je n’ai rien trouvé sur toi.
— C’est bien dommage… soupirai-je. Je n’ai vraiment aucun indice sur mon identité…
— Bon, il ne faut pas se laisser abattre, rétorqua Gérard en trépignant sur sa chaise. Je suis sûr que tu vas finir par te souvenir de quelque chose. Aie confiance en toi…
— Peut-être… Mais que vais-je faire en attendant ?
Gérard se gratta à nouveau frénétiquement le menton tout en regardant par la fenêtre située derrière moi.
— Hum… C’est une bonne question… Tu serais plus en sécurité si tu restais ici. Mais d’un autre côté… je comprends que tu veuilles retrouver la mémoire. Et pour cela… il serait peut-être plus judicieux de partir en voyage, en quête de ton passé.
Jessica sursauta devant cette idée que son père proposait le plus naturellement du monde.
— Papa ! Tu n’y penses pas ! C’est beaucoup trop dangereux ! Je pense que Cyrio sera beaucoup plus en sécurité ici ! Il risquerait sa vie s’il partait sur les routes. Les Confréries sont partout.
J’étais touché que l’on se fasse déjà du souci pour moi, mais la proposition de Gérard avait réveillé quelque chose en moi. L’irrésistible besoin d’en apprendre plus sur mon passé, peut-être, ou l’appel de l’aventure…
— Mais… je ne peux pas rester là à attendre que mes souvenirs reviennent et que cette guerre prenne fin. Il faut que j’agisse maintenant. Et pour cela…
Je pris quelques secondes pour réfléchir à la portée de ce que j’allais annoncer, moi qui n’étais qu’un amnésique perdu dans un monde en guerre.
— J’ai décidé de partir à l’aventure dans Elenos. Je vais partir en quête de mon passé. Et je vais en profiter pour tenter de libérer votre village.
— Quoi ?! crièrent mes deux hôtes d’une même voix.
Ils me regardèrent, hébétés, puis Jessica posa ses deux mains sur la table en haussant le ton.
— Mais… qu’est-ce que tu racontes ?! Tu veux te battre contre la Confrérie de la Terre… et libérer notre village ?! Mais c’est simplement impossible !
— Vous m’avez sauvé la vie, répondis-je calmement en prenant un air décidé. Je vais vous rendre la pareille… Je sens que je peux y arriver. Quand vous parliez de ces conflits, de ces combats de Pokémons… j’ai ressenti une sensation inexplicable, comme si j’avais envie d’en découdre… Je sentais que ces combats m’étaient familiers.
— Alors… tu as déjà combattu avant ? demanda Gérard.
— Je ne sais pas… Mais c’est bien possible. En tout cas, je pense que j’ai des affinités avec cette discipline.
— Et… tu penses vraiment être en mesure de nous aider ?
— J’en ai la volonté ! Je veux vous montrer ma gratitude. Vous êtes les seules personnes que je connaisse… Et vous m’avez bien aidé. Alors c’est à mon tour de faire preuve de bienveillance à votre égard.
Peut-être essayais-je d’endosser le rôle du héros désintéressé pour retrouver la confiance que j’avais perdue, mais j’avais l’impression de formuler ces mots le plus naturellement du monde. Ces gens qui avaient tout perdu m’avaient aidé et soigné sans rien demander en retour. C’était plus fort que moi, je ne supportais pas de voir leur détresse. Peut-être cette fougue me détournait-elle aussi de mes propres doutes.
Malgré l’air inquiet de Jessica, Gérard semblait avoir compris que rien ne pourrait me faire changer d’avis. Il tenta tout de même de tempérer mes ardeurs.
— Je comprends. C’est très noble de ta part. Cependant, tu n’es pas en état d’aller où que ce soit aujourd’hui. De plus, la journée est déjà bien avancée, et la nuit ne devrait plus tarder. Je te propose de te reposer ici jusqu’à demain, et ensuite, tu prendras ta décision. La nuit porte conseil.
— Vous avez raison, répondis-je en essayant de bouger mes épaules encore douloureuses. Je vous remercie de m’héberger encore un peu.
— Très bien, conclut Gérard en se levant. J’ai quelques affaires à régler, mais je serai de retour pour le dîner. En attendant, tu devrais prendre un peu l’air. N’hésite pas à visiter notre camp, même si tu en auras vite fait le tour.
— Pendant ce temps, je vais nous préparer un bon repas, ajouta Jessica en se dirigeant vers le réfrigérateur.
Tandis que Gérard sortait de la maison d’un pas décidé, Jessica récupéra quelques baies et légumes dans son garde-manger de fortune et les disposa sur une petite table. Elle me regarda en souriant.
— Nous avons de la chance d’avoir de l’électricité dans nos refuges. Un générateur alimente tout le camp, donc nous ne devons pas la gaspiller. Avec ce que je prépare, nous pourrons manger un repas sain et équilibré.
Tout en la remerciant à nouveau, je réunis mes forces pour me lever et je marchai doucement vers l’extérieur pour prendre un peu l’air.

Lorsque j’ouvris la porte de la maison, une douce brise caressa mon visage. J’avais l’impression de ne pas avoir respiré de l’air frais depuis des siècles. Je pris une profonde inspiration tout en regardant autour de moi. La soirée était déjà bien avancée, et l’horizon à ma droite avait pris une teinte rosée, j’en déduis qu’il s’agissait de l’ouest. Seuls quelques nuages se détachaient au dessus de la cime de l’épaisse forêt de conifères qui marquait l’extrémité ouest du camp. Au nord, s’élevaient des parois rocheuses aussi abruptes que majestueuses, tandis qu’au sud, la montagne descendait vers une vallée lointaine. Le camp était constitué en tout et pour tout de 6 cabanes en bois qui n’avaient pas toutes la même taille. Au centre, un trou d’eau d’à peine 5 mètres de diamètre était probablement la seule source d’eau des réfugiés. Un petit garçon était accroupi au bord de ce point d’eau, le regard perdu. Alors que je m’approchais doucement de lui, il leva les yeux vers moi et sursauta. Il se releva prestement et courut vers un refuge situé à une vingtaine de mètres avant d’en claquer la porte.
Je restais là, hébété, à observer dans l’eau trouble le reflet ondulant d’un inconnu. Je voyais un jeune homme aux cheveux noirs désordonnés, et au regard perdu. Cyrio, qui es-tu ? Cette question remontait sans cesse à la surface de mon esprit, semblable à un bouchon de liège qui refusait de couler.
Tandis que je faisais lentement le tour du camp, ma démarche redevenait petit à petit plus assurée. Une nuée de Roucools s’envola lorsque je passai près des grand arbres. Tandis que je les observai, je remarquai un duo de Chenipottes qui s’affairaient sur une souche d’arbre derrière un refuge. L’un des Roucools se posa devant une petite grotte en surplomb du camp. Un Sabelette émergea de cette cavité qui était sans doute sa tanière et effectua une attaque « Jet de Sable » qui fit s’envoler l’intrus. Un Sablaireau, l’évolution de Sabelette, sortit à son tour de la tanière et huma l’air frais de cette soirée avant de reconduire Sabelette vers les profondeurs de la grotte. Il avait sûrement senti ma présence et voulait mettre sa progéniture en sécurité. Ces deux Pokémons de type Sol devaient bien se plaire dans les montagnes.
En voyant les deux Pokémons disparaître, je fixai leur tanière quelques instants avant d’être frappé par cette réalisation : je me souvenais des noms de tous ces Pokémons. Cela m’était revenu le plus naturellement du monde, sans même me poser la question. J’étais incapable de dire qui j’étais, et pourtant, ma tête semblait pleine de connaissances sur les Pokémons. Je me souvenais très clairement de leurs noms, de leurs capacités, de leurs types et de leurs évolutions. Je connaissais donc ces créatures mieux que moi-même…
Après avoir traversé toute cette souffrance et tous ces doutes, cette profusion de vie me réchauffa le coeur. Les Pokémons sont vraiment des créatures formidables, me disais-je. Il en existe des types très variés qui représentent différents éléments naturels : des Pokémons de type Eau, de type Feu, de type Plante, de type Insecte, de type Sol… Les Pokémons deviennent plus forts en combattant, et certains peuvent « évoluer », atteignant une forme souvent plus grande et plus puissante après une brève transformation. Ces créatures qui apprennent toutes des capacités utiles au combat semblent nées pour se battre. Bien avant que les humains ne les utilisent comme des compagnons ou des armes, les Pokémons ont toujours dû se battre pour leur propre survie. Il faut lutter perpétuellement pour avoir une chance d’exister dans ce monde…

Lorsque je sortis de mes réflexion et que je levai les yeux, je me rendis compte que le ciel était à présent bleu foncé et je réalisai que j’avais dû passer un moment à rêvasser. L’air de la montagne m’avait fait du bien et je me sentais un peu moins lourd. Je regagnai rapidement le refuge de Gérard et Jessica. En ouvrant la porte, je trouvai Gérard déjà attablé, qui m’accueillit d’un sourire chaleureux tandis que sa fille finissait de faire chauffer le repas du soir sur un poêle à bois. Une rangée de bougies éclairait la table que je rejoignis rapidement. Jessica apporta la grande casserole et nous servit son mélange de baies et de légumes. Ce repas chaud, bien que frugal, me fit du bien, et je l’engloutis sans doute un peu trop rapidement. Le dîner avait été assez silencieux, mes hôtes ne voulaient sans doute pas me mettre mal à l’aise avec des questions auxquelles je n’avais pas les réponses. Jessica a bien tenté une fois ou deux de me décourager de partir, me suggérant d’attendre un peu, que la situation pourrait s’améliorer, que j’étais sans doute encore trop faible pour partir en voyage, mais rien n’y a fait. Mon regard était toujours aussi résolu, et je balayais poliment toutes ses inquiétudes.
Après notre maigre repas, Jessica gagna rapidement son lit pendant que Gérard remettait un peu de bois dans le poêle qui réchauffait le refuge. Il en profita pour faire chauffer de l’eau et se préparer une infusion. Il me proposa de sa tisane, mais je déclinai.
— Les nuits sont fraîches dans les montagnes, dit-il en se frottant les mains. Nous ne sommes qu’en avril, alors il gèle parfois la nuit.
Il me désigna le lit duquel je m’étais levé quelques heures plus tôt et ajouta :
— Reprends donc mon lit pour cette nuit. C’est toi qui a le plus besoin d’un matelas confortable.
Voyant que je m’apprêtais à refuser, il ne me laissa pas répondre.
— J’ai un sac de couchage. Allez, ne t’en fais pas pour moi.
J’acquiesçais en le remerciant, puis je passais quelques minutes assis au coin du poêle pour me réchauffer. En regardant à nouveau les deux lits et le réfrigérateur qui trônaient dans la pièce, je demandai à Gérard :
— Pour un camp de réfugiés, cet endroit dispose d’un certain confort, même rudimentaire. On aurait pu s’attendre à ce que vous viviez dans des tentes.
Gérard me sourit et but une gorgée de son infusion avant de répondre :
— Ça, c’est parce que le maire de notre village est quelqu’un de très prévoyant. Il a fait bâtir ce camp avec les installations nécessaires il y a bien un an ou deux, lorsque les Confréries ont commencé à faire parler d’elles. Il semble qu’il avait déjà pris la menace très au sérieux. A l’époque, nous n’étions pas conscient du danger et nous pensions simplement que ces cabanes en montagne étaient une excentricité…
Il fixa le fond de son verre quelques instants avant d’ajouter :
— Notre maire est un vrai visionnaire qui a la tête sur les épaules. Nous lui devons beaucoup. Je suis sûr que tu le rencontreras bientôt.
Lorsqu’il eût fini sa tisane, Gérard éteignit les bougies tandis que je gagnais mon lit, puis il se glissa dans son sac de couchage. Malgré ma fatigue, je ne parvins pas à trouver le sommeil avant de longues heures. Je me tournais longuement dans ce lit que l’on m’offrait généreusement, assailli de questions et de doutes. Est-ce que je méritais tout ça ? Ces pauvres gens qui m’avaient tout donné, est-ce que j’allais être capable de leur rendre la pareille ? Je n’avais encore qu’une vague idée de l’ampleur de la région d’Elenos et des conflits qui la ravageaient, mais je n’avais déjà qu’un objectif en tête : libérer le village de ces braves gens et leur permettre de retrouver leur vie d’avant. Moi aussi, je rêvais de retrouver mon ancienne vie…

Catégories : Fanfiction

5 commentaires

Nathan Emon · 26 juillet 2021 à 13 h 47 min

ahhhh c’est formidable, xa me rappel beaucoup de chose, que l’aventure commence… Elenos.

Arcian · 28 juillet 2021 à 7 h 59 min

Bonne introduction à ce magnifique univers. Hâte de lire la suite, merci pour votre investissement dans ce projet !

Palsanbouille · 21 août 2021 à 8 h 58 min

Encore une fois, l’histoire est vraiment intriguante, ça change pour une aventure pokemon !

Saruto19 · 2 décembre 2021 à 21 h 36 min

J’ai joué au jeu pokemon origins quand j’étais petit et j’avais tellement adoré que j’avais souffert lorsque je m’étais aperçu que le chapitre 4 était en cours de développement ( évidemment je sais qu’il est sorti actuellement ) . Je trouve donc triste que le jeu ne sera jamais fini , mais je suis quand même un peu content car le pire n’est pas arrivée : ne jamais connaître la fin de cette histoire . Pour cela je vous remercie car la version écrite m’apportera un peu de consolation . Bonne chance pour la suite .

    Sid · 5 septembre 2023 à 19 h 37 min

    Si seulement tu savais Saruto19 ^^

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