/!\ Attention : ce texte contient d’importants spoils sur l’histoire de Pokémon Origins, et devrait être lu uniquement après avoir fini les 5 Chapitres disponibles dans le fan game.

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Épisode 2 : Sommets

Ce jour-là, j’étais nonchalamment assis en tailleur au bord d’une petite rivière. À ma droite, un fidèle de l’Eau était agenouillé. De mon bras droit, je lui enfonçais la tête sous l’eau tandis que mon partenaire le maintenait les mains dans le dos. Il barbotait depuis plus d’une minute, et je me décidai finalement à le remonter à la surface en tirant violemment ses cheveux. Cela faisait de longues minutes qu’on s’adonnait à ce petit jeu, et il était à bout de souffle, au bord de l’asphyxie.
— Alors ? commençai-je avec indifférence. Tu vas te décider à parler ?
Pendant de longues secondes, il me fixa avec des yeux dans lesquels je pouvais lire une profonde haine, un sentiment si violent et si intense qu’il m’aurait fait trembler quelques années auparavant. Mais j’étais désormais totalement habitué à vivre dans la haine et le ressentiment, j’avais choisi de me draper d’indifférence pour que mon âme entière ne finisse pas rongée.
Le fidèle de l’Eau finit par me cracher au visage, sans dire un mot. À peine affecté, j’essuyai ma joue de mon bras gauche toujours couvert de bandages noirs.
— C’est peine perdue, lança mon partenaire en plaquant le fidèle contre la rive. On n’en tirera rien.
— C’était prévisible, répondis-je, mais ça ne coûtait rien d’essayer. Bref, il est temps de repartir.
Sans autre forme de procès, j’enfonçai de nouveau la tête de notre otage dans la rivière. Mais cette fois, je la maintins bien plus longtemps, sans desserrer mon étreinte. Lorsque le fidèle cessa de bouger, j’attendis encore quelques secondes avant de me relever, puis mon partenaire le laissa tomber dans l’eau. J’échangeai un regard fugace avec mon partenaire, à travers nos cagoules noires qui ne laissaient entrevoir que nos yeux, et nous repartîmes sans dire un mot, laissant le corps derrière nous. Une nouvelle fois, nous venions d’enfreindre le code d’honneur, mais dans les faits, ce n’était qu’une noyade. Aucune preuve ni aucun témoin ne pouvaient pointer vers la Confrérie du Feu.

Depuis combien de temps avais-je rejoint les rangs de cette Confrérie ? Sans doute une dizaine d’années. Le temps ne me paraissait plus s’écouler de la même façon, depuis. J’ai très peu de souvenirs de mon arrivée au Quartier Général, si ce n’est que le Général Ignacio m’avait ramené à moitié mort, et que les médecins avaient déclaré que j’avais peu de chances de m’en sortir. Pendant une longue convalescence, j’ai lutté contre mes blessures et mes brûlures, mais ma volonté n’a jamais faibli. Il m’a fallu quelques mois pour faire de l’ordre dans mon esprit et comprendre ce qui s’était passé. Heureusement, mon Ponyta était là pour m’aider à ne pas sombrer dans la folie.
Une seule chose me semblait certaine : c’était la Confrérie du Feu qui avait éradiqué ma tribu. J’en ai été convaincu presque instantanément lorsque j’ai croisé le regard narquois et perfide du Général Ignacio, à bord du navire qui nous amenait au Quartier Général. Cela semblait cohérent, sa Confrérie en avait certainement après la relique d’Entei, et aurait fini par perdre patience en ne parvenant pas à obtenir la coopération des membres de ma tribu.
Mais si c’était le cas, pourquoi me garder en vie ? Pourquoi m’emmener ici et me soigner ? Peut-être voulait-on me garder en vie comme garantie, mais je ne savais rien au sujet d’Entei, en dehors de quelques vieilles légendes.
Même si la colère et le ressentiment ne me quittèrent pas pendant ma convalescence, je pus m’en sortir également grâce aux soins d’un personnel dévoué qui semblait vraiment se soucier de moi. La bienveillance qui m’entourait durant cette période m’apaisa quelque peu et me fit ressentir un sentiment oublié : la gratitude.
Je ne revis jamais le Général après le début de mes soins, mais lorsque je fus capable de marcher et de me déplacer normalement, on m’informa qu’il avait envoyé des ordres à mon sujet : je devais suivre une formation intensive pour devenir un fidèle de la Confrérie du Feu.
J’avais réellement du mal à cerner ce qu’il avait en tête, mais je n’avais nulle part où aller, et je voyais cela comme une opportunité d’avancer vers l’objectif qui m’obsédait : devenir plus fort.

C’est également vers leur dixième anniversaire que la plupart des enfants vivant au Quartier Général commençaient une formation pour devenir de bons fidèles. Avant cela, ils grandissaient dans des pensions où ils apprenaient les règles de la vie en communauté ainsi que la doctrine de leur Confrérie.
C’est sur ce dernier point qu’il me fallait rattraper mon retard sur les autres enfants, je suivis donc une formation intensive pour assimiler toute la “vérité” sur notre univers : l’histoire des 4 Confréries et de leur conflit, le code d’honneur, la géographie d’Elenos…
Il était apparemment exceptionnel qu’un enfant venu du monde extérieur intègre la Confrérie du Feu, mais les ordres du Général Ignacio m’accordaient ce privilège. Il avait senti un immense potentiel en moi, et avait fait tout le nécessaire pour assurer mon éducation.
J’étudiais chaque jour avec assiduité et dévotion, mais l’adaptation à une vie en intérieur fut difficile pour moi qui avais grandi dans les vastes steppes. Les horizons étaient restreints entre les murs du Quartier Général, implanté dans un minuscule archipel perdu au large d’Elenos. Malgré tout, j’avais pris mon mal en patience, comprenant que suivre la voie qu’on avait tracée pour moi était le meilleur moyen de m’en sortir.
Après quelques mois, j’eus le droit d’intégrer la formation de fidèle classique avec les autres enfants. Durant cinq années, je travaillai d’arrache-pied, aussi bien dans les exercices théoriques que pratiques, pour développer les compétences d’un bon fidèle. Je pus apprendre de nombreuses techniques de combat, avec ou sans Pokémons, ce qui me permit de montrer l’étendue de mes talents.
Durant ces années, je ne me fis aucun ami. Pour tous ces enfants qui n’avaient jamais quitté ces murs, j’étais cet étranger, cet intrus dont personne ne comprenait la présence. Je ne saisissais pas vraiment quelle différence de nature existait entre nous, mais un jour, en sortant de l’insalubre douche collective du dortoir des garçons, je remarquai une petite flamme qui semblait tatouée sur l’omoplate gauche de l’un de mes camarades. J’en inspectai aussitôt un autre, et je remarquai que tous portaient cette étrange marque. J’interrogeai alors l’un d’eux, qui me répondit sèchement que chaque membre de la Confrérie du Feu était marqué au fer rouge lors d’un rituel peu après la naissance, symbolisant ainsi son appartenance éternelle à sa Confrérie. Un autre me fit remarquer que mon absence de marque prouvait que j’étais un sang impur, et que je n’atteindrai jamais leur noblesse d’âme.
Peu m’importait la considération de mes condisciples, j’étais absorbé dans mon obsession de progresser, et cela ne manqua pas d’être remarqué et loué par mes instructeurs.

Une fois les années de formation terminées, chaque nouveau fidèle reçut une affectation. Au fil des semaines, je vis tous mes camarades quitter le Quartier Général vers de nouveaux horizons, ou entamer de nouvelles formations spécialisées pour assurer des fonctions médicales, administratives ou logistiques. Pour moi, aucun ordre ne vint. Je ne pouvais qu’errer entre mon dortoir et la cour où je voyais les futures générations de fidèles suivre le chemin que j’avais déjà emprunté.
Je croisais aussi régulièrement des fidèles plus expérimentés qui étaient stationnés au Quartier Général en attendant de nouveaux ordres. Les journées semblaient longues pour tout le monde, et beaucoup de visages laissaient paraître du doute ou du désespoir. Un jour, je remarquai un attroupement dans un couloir où s’affairait une foule de curieux. Un fidèle s’était pendu dans les toilettes pendant la nuit. Les supérieurs présents firent en sorte que l’affaire ne s’ébruite pas afin de ne pas “perturber l’harmonie qui règne”. Je compris que même parmi les plus fervents fidèles, quelques-uns finissaient tôt ou tard par lâcher prise.
Mais un matin, après une longue attente, un messager vint me trouver avec un air grave. Le Général Ignacio avait transmis de nouveaux ordres à mon sujet : mes résultats exceptionnels permettaient d’envisager que je devienne un fidèle d’élite.
Je n’avais jamais entendu parler de cette catégorie de fidèles, mais je fus bientôt emmené sur une île isolée où un instructeur m’expliqua rapidement ce qu’on attendait de moi : j’allais devoir prendre en charge des missions hautement confidentielles, comme la récolte d’informations, des sabotages ou des assassinats. Aucune de mes actions ne serait officiellement soutenue par la Confrérie du Feu, et je n’aurais aucun soutien si une mission tournait mal.
Je me suis un temps demandé si c’était le seul moyen qu’on avait trouvé pour se débarrasser de moi, mais j’ai gardé confiance en mes compétences et je suis arrivé au bout de cet entraînement avec brio. Environ 7 ans après avoir posé le pied au Quartier Général, j’étais devenu un fidèle d’élite de la Confrérie du Feu. J’avais développé mes talents en infiltration discrète et en combat Pokémon à un point qui aurait même pu faire pâlir certains officiers.

Par la suite, j’accomplis une série de missions à la hauteur de ce qu’on m’avait promis, des choses auxquelles j’ai préféré ne plus repenser. Pas parce que j’avais des regrets, mais parce que je voulais regarder vers l’avant. Je ne vivais que pour une seule raison : me venger du Général Igancio qui avait détruit ma vie. Pourtant, je sentais au fond de moi l’instinct de ce petit garçon qui voulait bien faire pour sa tribu, et qui était satisfait à chaque mission accomplie. Je haïssais Ignacio, mais la droiture et la détermination de certains fidèles, officiers et instructeurs que j’avais connus ne pouvaient que forcer mon admiration. Beaucoup croyaient sincèrement à la cause qu’ils défendaient : un avenir plus radieux pour leur Confrérie, leur peuple. Un avenir où Elenos redeviendrait leur terre et où les enfants n’auraient plus à grandir dans des dortoirs étriqués. J’oscillais donc entre une haine profonde du monde qui m’entourait et un certain respect teinté d’amertume.
Un jour, alors que j’exerçais mon nouveau rôle depuis plusieurs mois, on m’annonça que j’allais désormais travailler avec un partenaire. Je n’avais jamais coopéré avec un autre fidèle, et mes Pokémons m’avaient toujours suffi. Je m’étais habitué à ces opérations en solitaire et j’étais plutôt réticent à cette idée, mais je n’avais pas le choix.
À mon retour au Quartier Général, on me présenta mon nouveau partenaire, un jeune homme aux cheveux noirs qui avait à peu près mon âge. Il avait une apparence banale, j’avais vu des dizaines de jeunes comme lui durant ma formation. Pourtant, à l’instant où je croisai son regard, je sus qu’il était différent. Il était animé d’une détermination à la fois féroce et impassible. Il me rappela le regard que je voyais lorsque j’observais mon reflet dans l’océan.
Sans que l’on ait le temps de faire connaissance, on nous attribua déjà une nouvelle mission. Contrairement à ce que je m’imaginais, une bonne dynamique se mit en place au sein de notre duo. Nos compétences complémentaires nous permirent de devenir encore plus redoutables. J’étais le spécialiste de l’infiltration et de la discrétion, et si quelque chose tournait mal, il intervenait avec son talent incroyable pour le combat Pokémon, il me dépassait même dans ce domaine. Il était notamment accompagné d’un Simiabraz avec lequel il semblait partager une symbiose parfaite. Leurs mouvements lors des combats étaient si synchronisés qu’on aurait dit qu’ils ne faisaient qu’un.
Avec efficacité et discrétion, nous étions parvenus à récolter de nombreuses informations, éliminer des éléments gênants et saboter de nombreuses opérations des Confréries ennemies. L’essentiel était que notre existence reste inconnue des autres factions. Chaque meurtre devait être maquillé en disparition ou en suicide, afin qu’aucune preuve irréfutable ne permette d’affirmer qu’une Confrérie avait enfreint le code d’honneur.
Lors de nos premières missions, nous n’échangions pas beaucoup en dehors des instructions stratégiques, mais petit à petit, nous commençâmes à nous ouvrir. Nous échangions quelques mots sur notre ressenti, sur des souvenirs de notre enfance. Malgré tout, chacun de nous deux restait sur la défensive et ne se livrait que très peu. Il ignorait d’où je venais exactement, et je n’avais aucune idée de la formation qu’il avait suivie. Cependant, j’avais compris qu’il n’était pas un fidèle comme les autres. Il semblait cacher une grande souffrance d’où il tirait sa force, tout comme moi, et j’étais convaincu qu’il n’avait pas grandi au Quartier Général. Comme moi, il avait vu le vaste monde, et ses horizons s’étendaient au-delà de la doctrine qu’on nous enfonçait dans le crâne au Quartier Général.
Un jour, emportés dans un élan de confiance après une mission périlleuse, nous échangeâmes nos prénoms. La plupart des fidèles ont un prénom de naissance qui finit par s’effacer dans un étau de normes et de règles où l’individu n’a plus aucune importance. Nous grandissions dans des dortoirs avec des numéros qui finissaient par nous définir. Mais mon identité était bien plus complexe et enracinée que celle des autres fidèles, et j’avais senti que c’était le cas de mon partenaire également. Je lui révélai que je m’appelais Tayir, et il me dévoila qu’il s’appelait Cyrio.
Pour la première fois depuis la disparition de ma tribu, je commençais à sentir un lien se tisser avec quelqu’un. J’avais déjà respecté d’autres membres de la Confrérie, mais jamais je n’avais senti cette confiance, cette complicité, cette… amitié ?
À mesure que nos liens se renforcèrent, l’alchimie de notre duo nous rendit de plus en plus redoutables. Nous n’avions presque plus besoin de parler pour nous comprendre lors des missions, nous exécutions nos chorégraphies savamment orchestrées, comme des machines qui étaient nées pour infiltrer, tromper, tuer… Nous étions des fidèles d’élite.

Cyrio me sortit subitement de ma rêverie. Après avoir fait boire la tasse au fidèle de l’Eau, nous nous étions installés dans une grotte au sein d’une falaise abrupte, et fixer la mer m’avait visiblement replongé dans mes souvenirs. Nous étions partenaires depuis maintenant plusieurs années, et nous venions de terminer une nouvelle mission. Nous n’avions malheureusement pu obtenir aucune information de ce Fidèle de l’Eau, mais il ne serait plus en mesure de nuire à nos actions.
Cyrio m’informa que nous avions reçu l’ordre de retourner au Quartier Général. Dès le lendemain matin, nous nous remettrions en route.
— On ne peut plus se passer de nous, lui lançai-je en souriant.
J’ignorais combien il existait de fidèles d’élite, et quelles étaient leurs actions, mais j’avais le sentiment que nous prenions de plus en plus d’importance. Nos succès étaient en voie de faire de nous l’élite parmi l’élite. Ensemble, nous avions atteint les sommets. Alors que j’avais été réduit en cendres une dizaine d’années auparavant, j’avais entamé une renaissance. Et j’avais fait plus que renaître, j’avais gagné en maturité, en puissance, en confiance et en conviction.
Je savais que nous étions à quelques mois d’une grande cérémonie au sein de la Confrérie du Feu pour commémorer la mort de notre ancien Chef, cette mort qui avait précipité les 4 Confréries dans un conflit sans fin, 32 ans auparavant. Durant ce grand rassemblement, tous les officiers devaient être présents. J’avais assez joué les bons petits soldats. Je voyais là enfin l’occasion d’accomplir mon but ultime : éliminer le Général Ignacio.

Catégories : Fanfiction

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