/!\ Attention : ce texte contient d’importants spoils sur l’histoire de Pokémon Origins, et devrait être lu uniquement après avoir fini les 5 Chapitres disponibles dans le fan game.
Épisode 3 : Cendres
Vulcain observait avec gravité les vagues fouetter les rochers de la petite crique isolée, entourée de falaises, au nord de son île. Derrière lui, ses trois disciples finissaient de recouvrir de branchages et de feuilles de palmiers le radeau qu’ils venaient de transporter à travers la forêt.
Le vieil homme avait expliqué aux trois enfants qu’il s’agissait d’un nouvel exercice physique, et que recouvrir le radeau de branchages était surtout destiné à le protéger du vent et des intempéries. En réalité, il était toujours obsédé par son projet d’évasion et voulait parer à toute éventualité. Ici, se disait-il, personne ne viendrait accoster.
Sur le chemin du retour, la tension était palpable au sein de la petite famille. Eric, Kira et Cyrio oscillaient entre excitation et angoisse à l’idée d’embarquer vers l’inconnu, tandis que Vulcain ruminait en silence et essayait d’élaborer le meilleur plan de fuite. Ce soir-là, la mer était trop agitée pour son frêle esquif, et l’ancien officier n’avait d’autre choix que d’attendre que le temps devienne plus favorable.
Son plan était clair, il fallait naviguer vers le nord et atteindre l’île principale d’Elenos le plus rapidement possible. Là, il emmènerait les trois enfants le plus loin possible des Confréries, peut-être dans les Montagnes du Nord. Combien de temps allaient-ils pouvoir vivre ainsi ? Et ces trois jeunes âmes innocentes pourraient-elles lui pardonner de leur avoir menti si longtemps sur leur véritable nature ? Il n’avait pas de réponse à toutes ces questions, mais il était déterminé à accomplir chaque étape de son plan, l’une après l’autre. La seule chose qui importait, c’était de rester avec eux et de les protéger.
Eric, de son côté, n’avait parlé à personne du vieil homme qu’il avait rencontré quelques jours auparavant, mais il était rongé par la peur et l’angoisse suscitées par ses paroles. Que pouvait donc bien être cette “Confrérie du Feu” ? Et qu’avait bien pu faire Eric pour condamner sa famille à l’exil sur cette île ? Le jeune garçon ne savait plus qui croire.
Une fois que le groupe retrouva son camp, Vulcain commença à préparer un repas frugal, aidé de Kira. Eric et Cyrio s’éloignèrent de leurs huttes afin de trouver quelques baies qui pourraient les rassasier un peu plus.
Alors qu’ils observaient la végétation alentour, Eric se décida finalement à rompre le silence pesant qui régnait depuis de longues minutes.
— Pourquoi tu crois qu’on part maintenant ? demanda-t-il à son frère. Grand-père ne nous avait jamais parlé de ça.
Cyrio resta silencieux quelques secondes, ne sachant quoi répondre.
— Tu ne trouves pas ça bizarre ? insista Eric.
— Je ne sais pas… répondit finalement Cyrio. J’imagine qu’il a jugé que c’était le bon moment.
Il constata que son jeune frère était très tendu, et il tenta de le rassurer :
— Ne t’inquiète pas. Ce sera juste une expédition, et on reviendra ici, chez nous.
Eric serra les poings. Il faisait de son mieux pour étouffer l’angoisse qui le rongeait. Puis, il décida d’interroger son frère sur une question qui le taraudait :
— Tu… Tu ne t’es jamais demandé comment c’était, là où on est né ?
Cyrio ne sut quoi répondre à cette interrogation qui lui avait aussi souvent traversé l’esprit, le plus jeune continua alors :
— On n’est pas nés sur l’île, c’est sûr. On avait des parents. Mais qu’est-ce qui leur est arrivé ? Grand-père a toujours été vague sur tout ça, il disait que l’important, c’était l’avenir.
Cyrio hésita longuement avant de faire part du fond de sa pensée à son frère, mais il décida que c’était peut-être le moment.
— Tu sais, commença-t-il, je fais parfois des rêves bizarres.
— Des rêves ?! s’étonna Eric. Quel genre ?
— J’ai l’impression d’être dans un endroit que je n’ai jamais vu. Avec d’autres gens. C’est difficile à expliquer, ce n’est jamais très clair.
Eric était stupéfait de découvrir tout ça, jamais il n’avait eu une telle conversation avec son frère.
— En fait, continua Cyrio, Kira aussi a parfois l’impression d’avoir ce genre de souvenirs qui refont surface. On en a déjà parlé…
Le jeune garçon resta bouche bée devant toutes ces révélations. Après un long moment durant lequel aucun des deux frères ne savait quoi dire, Eric commenta :
— Moi, ça ne m’est jamais arrivé… Enfin, je crois…
Les deux enfants ne savaient pas comment apaiser tous les doutes qui se bousculaient en eux. Ils se remirent simplement à la recherche de quelques baies, avant d’entendre la voix de Kira qui les appelait. Alors qu’ils commençaient à se diriger vers le camp, Cyrio tenta de rassurer son frère une dernière fois :
— Il a raison, grand-père. Ce n’est pas très grave, tout ça. Le plus important, c’est qu’on reste ensemble. On a fait un serment, n’oublie pas.
Eric ne répondit pas, perdu dans ses pensées.
Ce soir-là, Vulcain, Kira et Cyrio s’endormirent rapidement dans leur hutte, épuisés par une nouvelle journée de dur labeur. Eric, lui, ne parvenait pas à trouver le sommeil. Il se tournait en tous sens dans son lit de fortune en essayant de comprendre la situation. Il se convainquait de plus en plus d’être responsable de tout ce qui arrivait à sa famille. Il avait honte, mais il ne savait pas pourquoi. Pour quelle raison n’avait-il aucun souvenir de sa vie d’avant ? Était-ce vraiment une punition d’avoir vécu sur cette île avec son frère, sa sœur, et son grand-père ? N’étaient-ils pas heureux ainsi ? Mais dans ce cas, pourquoi leur grand-père voudrait-il subitement partir en exploration dans le monde extérieur ?
Trempé de sueur, Eric finit par se lever pour aller respirer l’air frais de la nuit. Il partit marcher dans la forêt qui entourait leur camp. Il écoutait les bruits de la nuit, essayant d’apaiser son cœur. Après avoir marché quelques minutes, il s’assit pour admirer les étoiles. C’est alors qu’il aperçut des Goélises passer à toute allure au-dessus de lui. Il était surpris de voir ces Pokémons en pleine nuit, eux qui dorment d’habitude dans les arbres côtiers. C’est comme s’ils avaient fui quelque chose.
Le jeune garçon se mit alors en tête d’aller inspecter la plage d’où les Pokémons semblaient venir. Malgré l’obscurité, il traversa rapidement la forêt accidentée qu’il connaissait par cœur. Lorsqu’il arriva en vue de la plage, il fut tout de suite intrigué par une étrange lueur. Il s’arrêta net quand il atteignit enfin la lisière, tétanisé par ce qu’il venait de découvrir. Devant lui, deux immenses voiliers avaient accosté sur la plage qu’il avait toujours connue déserte. Plusieurs dizaines d’hommes étaient déjà à terre et brandissaient des torches, s’échangeant des instructions sans toutefois élever la voix, comme s’ils recherchaient la discrétion.
Le moment de stupeur passé, Eric repartit aussitôt en direction du camp. Il courut aussi vite qu’il put à travers les branches et les racines, ne se préoccupant même plus des écorchures et des échardes qui s’accumulaient dans la panique. Enfin de retour dans la clairière silencieuse où s’élevaient quatre huttes, il se mit à hurler :
— Au secours ! Il y a des gens partout sur la plage ! Qu’est-ce qu’on doit faire ?!
Aussitôt, les membres de la petite famille sortirent de leur hutte. Cyrio et Kira étaient aussi confus que paniqués, mais Vulcain affichait surtout une détermination sans faille, et s’efforçait de rester le plus calme possible.
Le vieil homme avait anticipé ce scénario, parmi les plus pessimistes. Il ignorait comment, mais il avait été percé à jour. La mer devait encore être agitée, mais ils n’avaient plus le choix, ils devaient partir. Il calma ses trois disciples et les réunit autour de lui avant de leur adresser ses premières instructions :
— Écoutez-moi bien, les enfants. On doit immédiatement rejoindre notre radeau, ensuite nous…
Il s’interrompit en réalisant que des lumières semblaient entourer leur camp. C’était même plusieurs colonnes de fumée qu’il ne tarda pas à identifier. Il connaissait cette stratégie qu’il avait déjà mise en œuvre par le passé. Il était déjà trop tard pour une fuite discrète, l’étau brûlant se refermait. Partout autour du camp, des fidèles devaient être en train d’incendier la forêt. Vulcain pouvait déjà entendre le crépitement des flammes consumant la végétation, ainsi que des cris qui se rapprochaient :
— Allez ! Continuez comme ça ! Il ne doit rien rester de cet endroit !
La petite famille était cernée. Vulcain devait se résoudre à passer immédiatement à l’ultime solution qu’il avait envisagée. Il empoigna les épaules de Kira de toutes ses forces et la fixa droit dans les yeux. Le regard du vieil homme laissa transparaître des regrets et du désespoir pendant qu’il lui adressa ces mots :
— Kira, prenez le radeau et naviguez droit vers le nord. Courez aussi vite que vous pouvez et ne vous retournez pas.
— Mais, et toi, grand-père ? demanda la jeune fille qui essayait de dissimuler ses larmes.
— Tout est de ma faute, je suis désolé. Je te demande juste de prendre soin de tes frères. Veille sur eux comme tu l’as toujours fait.
Kira voulut articuler une réponse, mais elle éclata en sanglots. Vulcain voulait la prendre dans ses bras, mais il la poussa de toutes ses forces vers le nord-est, la seule direction où il pensait entrevoir une faille dans l’étreinte ennemie.
— Courez ! hurla-t-il aux trois enfants tout en se précipitant également vers le couloir de végétation entouré de flammes.
Aussitôt, deux Démolosses surgirent d’un rideau de fumée et se précipitèrent vers les enfants, mais Vulcain lança une Pokéball de laquelle sortit un Typhlosion. Le Pokémon s’interposa avec une attaque “Roue de Feu” pour bloquer l’un des assaillants, tandis que Vulcain encaissa la charge du second en l’attrappant par les cornes. Les pieds fermement ancrés dans le sol, le vieil homme avait encore de la force physique à revendre, et il faisait tout pour maintenir la gueule du Démolosse vers le bas pour se protéger de toute flamme qu’elle pourrait projeter. Il ordonna ensuite à Typhlosion de lancer une attaque “Brouillard” pour couvrir la fuite des trois enfants.
Alors qu’une épaisse masse noire recouvrait les alentours, des voix se rapprochaient, attirées par le combat qui venait de commencer.
— Qu’est-ce que vous fichez ?! cria Vulcain aux trois enfants tétanisés. Courez, je vous ai dit !
Aveuglé par le brouillard et par ses larmes, Eric ne savait plus où regarder, mais il répondit en criant dans le vide :
— Grand-père… on peut pas partir sans toi !
— Bande de sales mioches ! s’emporta le vieil homme. Vous allez dégager ou faut que je vous botte le derrière ?!
Aussi abasourdis que leur frère, Kira et Cyrio se résolurent à prendre la fuite, et tirèrent Eric par les épaules. Ce dernier résistait en sanglotant. Vulcain continuait de contenir le Démolosse et était de plus en plus essoufflé. Il utilisa ses dernières forces pour s’époumoner :
— Écoutez-moi bien, c’est pas le moment de chialer ! Je vous l’ai dit cent fois : un temps nous a été accordé, et il nous appartient d’accomplir ce que nous souhaitons ! Même si le mien devait être écoulé, vous avez encore du temps ! Alors vivez, bon sang !
Le Démolosse se débattait de toutes ses forces et parvint à infliger un puissant coup de griffe à la jambe de Vulcain qui hurla de douleur. Eric était désespéré, mais il comprenait qu’il était en train d’abandonner son frère et sa sœur en refusant de les suivre. Toujours aveuglé, il attrappa la main de Kira et courut de toutes ses forces.
Les trois enfants laissèrent derrière eux les voix et les cris qui avaient bien failli les atteindre. Tout ce qu’ils entendirent ensuite, c’est un hurlement de leur grand-père, rempli de fureur et de détermination. Transcendés par un instinct de survie, les trois enfants couraient et sautaient à travers les sous-bois en évitant les flammes et les arbres qui s’effondraient.
Après une longue course, ils atteignirent une partie de la forêt plus sombre et silencieuse. Un silence presque inhabituel pour cette forêt. Les voix de leurs poursuivants avaient disparu, ils les avaient sûrement semés. Les trois enfants s’arrêtèrent quelques instants pour reprendre leur souffle alors que les premières lueurs de l’aube commençaient à percer à travers la canopée.
— Qu’est-ce qu’on va faire ? demanda Cyrio, la gorge serrée par la peur.
— Il faut trouver une idée pour sauver grand-père ! cria Eric en agitant les bras. Oubliez pas qu’on a Gruikui, Galifeu et Ouisticram ! On peut se battre !
— Arrête de gaspiller ton énergie, répliqua Kira. On ne fait pas le poids face à eux.
L’aînée tremblait encore sous l’effet de la panique, mais elle faisait tout pour garder la tête froide et pour montrer l’exemple. Elle savait que ses frères avaient besoin d’être guidés et rassurés dans un moment pareil. Elle prit la voix la plus calme possible et déclara :
— Grand-père m’a demandé de veiller à ce qu’on atteigne le radeau tous les trois et qu’on quitte l’île. Alors c’est précisément ce qu’on va faire. Rien d’autre n’a d’importance.
Même si Eric protesta de nouveau, il savait qu’écouter sa grande sœur était la solution la plus sage. Les trois enfants firent donc de leur mieux pour sécher leurs larmes et ils repartirent en direction de leur seul objectif : la petite crique où ils avaient dissimulé leur radeau.
Le soleil s’élevait doucement au-dessus de l’horizon lorsqu’ils arrivèrent en vue du tas de branchages qui dissimulait leur embarcation. Ils la préparèrent à la hâte et embarquèrent sur leur radeau de fortune, seulement armés de pagaies rudimentaires. La mer était encore légèrement agitée, et ils craignaient de chavirer à chaque vague, mais ils n’avaient qu’une obsession en tête : ramer de toutes leurs forces en laissant le soleil levant à leur droite pour foncer vers le nord, vers une terre dont ils ignoraient tout. Ils avaient la peur au ventre, mais très vite, ce fut la faim qui commença à étendre son emprise sur leur corps. Ils n’avaient aucune idée de la distance qu’ils devaient parcourir, et ils ignoraient s’ils allaient mourir de faim avant de revoir la terre ferme.
Depuis leur plus jeune âge, ils avaient appris à lutter pour survivre. Mais le monde dans lequel ils avaient tout appris venait d’être réduit en cendres.
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