/!\ Attention : ce texte contient d’importants spoils sur l’histoire de Pokémon Origins, et devrait être lu uniquement après avoir fini les 5 Chapitres disponibles dans le fan game.
Épisode 2 : Trahison
Debout sur la plage où il avait l’habitude de s’entraîner avec ses disciples, Vulcain observait ses trois protégés s’agiter autour du Galifeu que Kira venait de ramener de la forêt. Comme à son habitude, le vieil homme les fixait en se grattant la barbe, avec un regard attendri. Cyrio et Eric étaient émerveillés devant le partenaire que leur aînée venait de capturer, montrant à la fois beaucoup d’admiration et un peu de jalousie.
— Il est trop claaaasse ! s’écria Eric qui tenait à peine en place. J’en veux un comme ça !
— Alors tu n’auras qu’à l’attraper toi-même, répliqua Kira.
— J’imagine que tu as dû en baver pour réussir à le capturer, commenta Cyrio en admirant le Pokémon sous tous les angles.
Vulcain s’approcha du groupe et posa une main ferme sur l’épaule de Kira.
— Votre sœur a été remarquable, déclara-t-il avec fierté. Elle a traqué ce Galifeu dans la forêt pendant plusieurs jours, avec la pugnacité qu’on lui connaît. Ses efforts ont payé, elle est parvenue à l’attraper avec une Pokéball.
— J’espère qu’on aura bientôt notre chance… souffla Eric en direction de son frère.
Vulcain lui répondit aussitôt avec un large sourire :
— Ne vous inquiétez pas, les enfants. Votre heure viendra. Vous aurez bientôt un Pokémon chacun, et nous pourrons passer à une nouvelle étape de notre entraînement.
Cela faisait déjà cinq ans que Vulcain était arrivé sur cette île déserte avec ces trois enfants. Cinq années de soins attentifs, d’éducation exigeante, d’entraînement rigoureux et de moments partagés. Le vieil homme avait appliqué à la lettre toutes les consignes dispensées par ses supérieurs. Toutes… à une exception près. Il avait entraîné ces enfants avec une rigueur remarquable, mais jamais il n’avait évoqué ne serait-ce que l’existence des 4 Confréries. Les trois enfants ignoraient par conséquent tout du conflit qui ne faisait que s’étendre au-delà de l’océan, et ils ne savaient rien non plus de la mission qui les attendait. Tout au plus leur avait-il vaguement parlé du monde extérieur, leur expliquant qu’au-delà des mers existait le “malheur”. La simple idée de devoir faire face à un ennemi aussi universel qu’indéfini motivait les enfants à s’entraîner toujours plus pour protéger chaque membre de la famille qu’ils chérissaient.
En cinq ans, l’état d’esprit de Vulcain avait changé : arrivé sur cette île avec beaucoup de colère et de ressentiment, il avait fini par se prendre au jeu et à s’attacher à ces enfants. Pour la première fois de sa vie, il ressentait de la tendresse envers quelqu’un, et même envers trois personnes à la fois. Prenant goût à cette vie simple et spartiate sur une île paisible, il n’avait fait que repousser le moment où il expliquerait à ses protégés leur véritable nature. Vulcain craignait par-dessus tout que les trois enfants ne lui en veuillent de leur avoir caché tant de faits si importants. Alors il se taisait, chassait cette pensée de son esprit, et il trouvait un autre objectif à poursuivre.
Il savait pourtant que cette innocence naïve ne pourrait pas durer. Le temps lui était compté, et c’est au terme de cette cinquième année qu’il allait devoir se retrouver face à une personne du monde extérieur pour la première fois depuis le début du projet. Le Capitaine Fumos devait en effet bientôt lui rendre visite pour faire un point sur les progrès de l’opération. Vulcain ne savait pas encore exactement ce qu’il allait lui dire, mais il n’avait qu’une seule obsession en tête : protéger Eric, Cyrio et Kira, qui étaient désormais comme ses enfants.
Quelques semaines plus tard, Vulcain emmena Cyrio en forêt, et le jeune garçon revint bientôt triomphant, accompagné d’un Ouisticram qu’il avait poursuivi à travers la canopée pendant de longues heures. Puis vint le tour d’Eric, qui parvint à capturer un Gruikui après avoir exploré d’immenses grottes au cœur de leur île.
Vulcain restait très attentif au nombre de jours écoulés et ne perdait jamais le compte des mois et des années. Il savait que son Capitaine devait lui rendre visite trois jours après cette dernière capture.
Lorsque le jour fatidique arriva, Vulcain envoya ses trois disciples s’entraîner en forêt, le plus loin possible des côtes, et il resta ensuite debout, les bras croisés, attendant sur la plage à l’endroit exact où on l’avait déposé cinq ans auparavant.
Il finit par voir apparaître à l’horizon un grand voilier qui arborait fièrement l’emblème de la Confrérie du Feu. Il semblait transporter un équipage d’une dizaine d’hommes. Lorsque le navire jeta l’ancre, une passerelle fut déployée pour le Capitaine Fumos, qui fut le seul à débarquer. L’officier salua son subordonné d’une voix étonnament chaleureuse :
— Vulcain ! Je suis heureux de te revoir. Mais tu as pris un sacré coup de vieux, dis-moi.
Même s’il était nerveux, Vulcain gratifia son supérieur d’un rire jaune et répondit :
— Ah ça ! C’est pas de tout repos d’élever des gosses, tu sais.
Les deux hommes échangèrent des banalités durant quelques minutes, puis Fumos aborda le cœur du sujet : l’avancement du projet. Vulcain commença par la vérité : il expliqua comment il avait entraîné les trois enfants et comment il leur avait permis d’obtenir chacun un Pokémon de type Feu qui allait devenir leur nouveau partenaire privilégié. Il certifia ensuite qu’il avait suivi les instructions à la lettre et qu’il avait inculqué aux trois enfants toutes les connaissances et les valeurs essentielles pour faire d’eux des Fidèles d’élite. Il assura également qu’il n’avait pas hésité à justifier leur présence sur l’île par un scénario larmoyant, propre à attiser leur haine des autres Confréries.
Le Capitaine Fumos écouta ses explications en hochant la tête, haussant parfois un sourcil en entendant une formule manquant de conviction, mais l’abaissant aussitôt devant la force de persuasion de son subordonné. Finalement satisfait, le visiteur déclara qu’il devait déjà repartir. Toujours obsédé par la succession de l’ancien Général de la Confrérie du Feu, il s’attelait à être sur tous les fronts pour obtenir l’honneur suprême d’une promotion. Après avoir félicité Vulcain et lui avoir réitéré toute sa confiance, Fumos expliqua qu’il reviendrait dans cinq ans pour mettre fin à cet exil et tirer le plein potentiel des trois enfants. Le Capitaine tourna finalement les talons et remonta à bord du voilier rouge. Le navire repartit aussitôt et le vieil homme ne le quitta pas des yeux jusqu’à ce qu’il disparaisse à l’horizon.
Enfin seul, Vulcain poussa un profond soupir de soulagement. Il avait les dents serrées et le dos trempé de sueur. Il savait qu’il n’avait fait que gagner du temps.
Durant les années qui suivirent, l’entraînement des trois enfants redoubla d’intensité. Leur corps et leur esprit gagnèrent en robustesse tandis qu’ils se confrontaient aux éléments aux côtés de leur partenaire Pokémon. Stages de survie, épreuves extrêmes et combats jusqu’à l’épuisement ponctuaient leur quotidien. Vulcain appréciait chaque instant passé aux côtés de ses disciples. Il était convaincu d’avoir trouvé un sens profond à son existence : la transmission. Pourtant, il ne pouvait toujours pas se résoudre à transmettre une certaine doctrine à ces trois esprits naïfs et purs. Il n’avait cessé de réfléchir au sens de tout ce que lui-même avait appris depuis son plus jeune âge, et cette existence simple avait tout remis en question. N’y avait-il pas un meilleur avenir pour ces enfants qu’une guerre interminable qui devait aboutir à une tyrannie sans partage ? Le vieil homme voulait quelque chose de différent pour eux. Il avait la conviction qu’ils ne méritaient pas ça. La loyauté de l’ancien Lieutenant envers sa Confrérie avait toujours été sans faille, mais cet instinct protecteur qui s’était développé en lui semblait prendre le dessus. Ses priorités avaient changé.
Après avoir passé neuf ans sur l’île, et alors qu’il ne restait plus qu’une année avant le retour de son supérieur, Vulcain décida d’entreprendre la construction d’un solide radeau. Il mit ses disciples à contribution en leur expliquant que cela constituait l’une des dernières phases de leur entraînement : ils devraient bientôt partir explorer le monde extérieur. Les yeux d’Eric ne cessèrent de pétiller durant tout l’exposé de leur nouvelle tâche.
— Enfin ! s’exclama le garçon. On va enfin pouvoir aller explorer le monde extérieur !
— Mais pourquoi maintenant ? s’interrogea Kira. Tu nous as entraînés pour qu’on soit capable de se protéger du malheur qui ronge le monde extérieur, pourquoi on devrait y aller, d’un seul coup ?
Vulcain se gratta énergiquement l’arrière du crâne en fixant l’horizon. Le vieil homme ne pouvait se résoudre à leur dire la vérité si tôt, il ne voulait pas qu’ils se perdent dans le doute et l’inquiétude. Il se contenta de répondre avec une fausse désinvolture :
— Il s’agit simplement d’une exploration. Un voyage qui vise à vous endurcir encore davantage. L’environnement du monde extérieur est parfois encore plus hostile que la nature de cette île, ce sera un excellent exercice pour vous.
Kira ne semblait pas convaincue, mais les trois enfants se mirent au travail sans plus attendre. Eric était tout excité par la perspective de cette découverte et montrait beaucoup d’entrain à la tâche. Il partit à toute allure chercher du bois en forêt, puis Cyrio et Kira s’élancèrent à sa suite.
Vulcain savait que la seule chose qui importait à ces trois enfants était de rester ensemble, de protéger ce noyau familial qui représentait toute leur vie. Même s’il savait que cela pourrait lui coûter cher, l’ancien officier avait décidé de s’enfuir avec eux. Il voulait les protéger le plus longtemps possible.
Les trois disciples travaillèrent d’arrache-pied toute la journée. L’entrain d’Eric ne faiblit pas un instant, même quand le soleil commença à décliner. Le jeune garçon s’enfonça très loin dans la forêt afin de trouver les meilleurs rondins pour son nouveau projet. Mais alors qu’il revenait vers la plage en longeant une falaise battue par les vagues, il s’immobilisa soudainement.
Devant lui se tenait un vieil homme arborant une épaisse barbe noire et vêtu d’une longue tunique rouge. D’aussi loin qu’il puisse se souvenir, c’était la première fois qu’Eric voyait quelqu’un d’autre que son grand-père, Kira ou Cyrio. Il était tétanisé et oscillait entre la peur et la curiosité. Le vieillard le regardait fixement, droit dans les yeux, avec un regard perçant qui lui glaça le sang.
— Bonsoir mon garçon, commença l’inconnu. Je suis navré de t’aborder de la sorte. Je peux imaginer ta surprise.
— Q-Qui êtes-vous ? balbutia Eric.
— Je suis un ami de ton grand-père. Un très vieil ami.
— J-Je ne comprends pas ! Comment êtes-vous arrivé jusqu’ici ?
— Les détails importent peu, répondit le vieil homme en s’approchant lentement d’Eric. Le motif principal de ma visite est la curiosité.
Maintenant à presque deux mètres du garçon, l’inconnu le dévisagea longuement avant de reprendre :
— Tu n’as pas d’inquiétude à avoir. Comme tu l’as certainement deviné, j’appartiens à la Confrérie du Feu, tout comme toi.
Eric était totalement déboussolé. Il resta bouche-bée quelques instants, puis répliqua :
— La C-Confrérie de quoi ? De quoi vous parlez ?
Le vieil homme fronça aussitôt les sourcils. Il ne bougeait plus d’un pouce et la terreur d’Eric ne faisait que grandir.
— Dis-moi, mon enfant, tu sais ce que sont les 4 Confréries, n’est-ce pas ? Tu as bien entendu parler du Mythe de la Fondation d’Elenos et de notre but ?
— J-Je ne comprends rien ! Qu’est-ce que vous voulez ?
Le regard du visiteur s’assombrit.
— Je vois… Quelle déception. Mais soit.
Il remarqua alors le rondin qu’Eric transportait et avait laissé tomber derrière lui.
— Que transportes-tu donc ? questionna le veillard. Tu fabriques quelque chose ?
— C-C’est un radeau pour partir en exploration avec mon grand-père…
L’homme en rouge hocha la tête en fermant les yeux. Il tourna subitement le dos à Eric et s’éloigna vers la forêt. Avant de disparaître, il jeta à nouveau un regard vers le garçon et lui lança :
— Je dois déjà repartir. Ce fut un plaisir de te rencontrer, mon garçon. Cependant, retiens bien une chose : ne parle surtout pas de notre rencontre à qui que ce soit. C’est compris ?
— P-Pourquoi ?
L’homme prit un air attristé et répondit :
— Malheureusement, toi et ta famille êtes forcés de vivre sur cette île à cause d’une faute impardonnable que tu as commise durant ton enfance. Si ton grand-père venait à apprendre que je suis venu, je serais contraint de lui révéler la vérité… Et qui sait ce qu’il ferait de toi ?
La confusion d’Eric avait atteint son paroxysme. Il était incapable d’articuler une réponse compréhensible. Le vieil homme s’enfonça finalement dans l’obscurité des frondaisons.
— Adieu, mon enfant.
Eric resta seul durant de longues minutes, béat, tétanisé, immobile devant l’immensité de la forêt éclairée par les dernières lueurs du jour.
Deux jours plus tard, le même vieil homme qui avait croisé la route du jeune garçon se trouvait désormais dans un vaste palais, à des centaines de kilomètres. Dans un immense corridor décoré de colonnes de marbre, un autre homme plus jeune, également vêtu de rouge, était venu lui rendre visite. Le vieillard l’accueillit avec un sourire faussement chaleureux :
— Capitaine Ignacio, quel plaisir de vous revoir.
Le visiteur effectua une révérence devant son aîné, et lui présenta ses respects.
— C’est un honneur d’être ainsi convoqué par le Sage du Feu. En quoi puis-je vous servir ?
— Allons, allons. Épargnez-moi toutes ces formalités. Je vous ai simplement fait venir pour vous livrer quelques informations qui pourraient vous intéresser.
— Des informations ? répéta le Capitaine dont le regard s’alluma soudainement.
— Ce n’est un secret pour personne que vous vous livrez à une compétition féroce avec le Capitaine Fumos pour succéder à l’ancien Général de notre Confrérie. Votre rival semble d’ailleurs être dans une position favorable.
— Certes… répondit Ignacio en baissant les yeux. Ce projet “bougies” qu’il a élaboré lui a permis d’obtenir les grâces de notre Chef.
— Vous serez peut-être intéressé d’apprendre que Fumos a failli à sa mission.
— Comment ?! Que voulez-vous dire ?
— Le Capitaine Fumos a désigné un Lieutenant de confiance pour élever trois enfants et leur enseigner notre doctrine. Cela fait longtemps que je suis curieux d’observer le résultat. Mon petit doigt m’a murmuré la position de l’île où ils vivent, et j’ai pu rencontrer l’un de ces enfants. Figurez-vous qu’il ne savait même pas ce qu’étaient les 4 Confréries.
Ignacio était bouche-bée. Il ne pouvait pas croire qu’une telle chance se présentait de renverser la tendance et de surpasser son rival.
— C’est absurde. Pourquoi ce Lieutenant nous aurait-il trahi ? Il va forcément être découvert.
— Qui sait quelle idée saugrenue a pu germer dans l’esprit d’un homme rendu fou par l’isolement ? Quoi qu’il en soit, il semble que la petite famille s’attèle à construire une embarcation pour fuir.
— Nous ne pouvons pas les laisser faire ! Il faut agir et…
Le Capitaine s’immbolisa quelques instants. Il venait de réaliser qu’il s’était laissé emporter par son enthousiasme devant ce nouvel espoir. Il reprit plus calmement avec sa froideur habituelle :
— Pourquoi teniez-vous à m’informer de cette nouvelle en personne ? Pourquoi ne pas la transmettre directement à notre Chef ?
— Allons, allons… N’y voyez aucune intention perfide de ma part. Ces histoires de projets, de plans et de complots, cela me fatigue au plus haut point. Je vous suggère donc de transmettre cette information en haut lieu, et de me laisser en dehors de cette histoire. Puisque votre rival, le Capitaine Fumos, a monté un projet voué à l’échec, j’ai pensé que vous seriez le plus à même de l’empêcher de nuire davantage. Qui sait… peut-être même que ce splendide coup d’éclat vous permettra d’enfin atteindre le grade tant convoité de Général.
Ignacio hocha lentement la tête.
— Je comprends. Je vous remercie pour cette attention désintéressée. Je vais faire en sorte que ce projet s’achève dans les plus brefs délais. Et si cela me permet de monter sur la plus haute marche des officiers, vous aurez toute la reconnaissance d’un Général.
— Je n’en attends pas moins de vous… répondit le Sage en souriant.
Le Capitaine tourna les talons et s’éloigna lentement. Chacun de ses pas résonnait à travers le vaste corridor. Il affichait un large sourire satisfait. Avant de quitter la pièce, il murmura :
— L’heure est venue de décréter l’extinction des feux pour le projet “bougies”…
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